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Explorons les lointains territoires
du Nord-Ouest
Cette année, explorons le nord-ouest des
Etats-Unis. Un climat plus froid et pluvieux mais des paysages magnifiques
et authentiques, peu peuplés, d'une froide beauté. Mais auparavant,
un petit contretemps (lire l'épisode “No
driver license …”).
Ecouter une danse du serpent Cherokee
|
![]() Totem indien dans l'état de Washington, et
|
Cette année, nos vacances commencent
très fort : on a oublié notre permis de conduire à
Nice. Une étourderie qui sera la source de rocambolesques “aventures”.
Où l’on verra que les Américains ne sont pas tous riches.
Que les Asiatiques ne sont pas tous souriants, ni les Blacks tous en prison.
Mais que la Californie est bien une mosaïque ethnique (32% d’Hispaniques,
12% d’Asiatiques, 7% de Noirs).
Où l’on comprendra à quel
point le précepte “It’s the Law” régit la société.
Et que la Police est moins à cheval avec la Loi … que certaines
entreprises privées.
Pour finir, nous serons “sauvés”
par le Rêve Américain, en la personne d’Oliver David Gomes,
un Hispano-Black-Américain qui mérite d’être élu
“President of the USA” ! (Lire “No driver license
…”).
Jeudi 14
Après une première vraie nuit
de sommeil, le réveil sonne à 5 heures 30. Pas de temps à
perdre, il s’agit de faire aujourd’hui 1000 kilomètres pour rattraper
le temps perdu. Car nous avons réservé par internet tous
les motels de notre circuit.
A 7 heures, nous nous engageons sur l’Interstate
680, en même temps que des milliers de Californiens démarrant
leur journée de travail à fond la caisse.
S’ils bossent assurément comme des fous
…en tous cas pas sur les routes, qui sont dans un état pitoyable
: rainurées, rapiécées, bosselées.
L’état le plus riche des USA n’aurait
pas les moyens d’entretenir ses freeways … Ou bien plutôt, pas le
temps ? Vue la densité de la circulation à cette heure matinale,
il me parait matériellement impossible de bloquer une voie pour
faire des travaux … sous peine d’asphyxier toute la Baie de San Francisco,
ses 6 millions d’habitants, et sans doute au moins autant de voitures.
La file de gauche est réservée
au co-voiturage mais cela n’a pas de dissuader chacun de prendre SA voiture.
Pour nous qui montons vers le nord, ça
roule encore à peu près. Mais la voie descendante vers San
Francisco bouchonne déjà sur des dizaines … et des dizaines
de miles. L’enfer dans cette Baie “paradisiaque” (à l’origine !).
Le soleil se lève tandis que nous roulons
à bonne allure, toujours poussés par ces millions d’Américains
si pressés d’aller bosser.
La circulation s’éclairçit un
peu au niveau de la ville industrielle de Vallejo. Je prend enfin le temps
de contempler ce paysage si unique de collines pelées couvertes
d’herbes sèches, plantées de maigres eucalyptus, palmiers
ou sycomores.
Vers 8 heures, nous rejoignons l’Interstate
80 bordé de lauriers exubérants, qui n’a plus que deux
voies : enfin une circulation fluide.
Pour achever notre “résurrection”, nous déjeunons dans un Coffee Tree, restaurant à la déco couleur café : le bon gros breakfast américain classique qui nous évite de manger à midi. De retour sur l’Interstate, voici enfin l’Amérique que nous aimons, celle des grands espaces : une vaste plaine herbeuse jaune pâle, quelques vaches rousses, un ranch. Plus nous montons vers le Nord de la Californie, plus le paysage devient vert … et le ciel couvert. Midi, à Redding, dans le Shasta County, la “porte des montagnes”. |
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La route monte en effet dans les pins, et longe
le Shasta Lake, un lac artificiel mais rafraîchissant aux bords de
sable rouille parfaitement symétriques. Après une petit arrêt
au bord du lac, nous reprenons l’interstate au milieu des sapins et autres
conifères. Après Weed, (1000 mètres d’altitude), soudain,
une majestueuse plaine blonde balayée par un vent doux, sous un
ciel qui se dégage.
Une fausse vache meuglant vers le ciel, toute
seule dans un pré. Nous sommes dans le Jefferson State, qui a son
site (jeffersonstate.com).
La route redescend dans la Vallée de
la Klamath River, toute verte parsemée de buissons de sauge. Voici
l’Oregon et ses sapins. Montagnes et forêts sous un ciel bleu pâle,
nombreux camions chargés de troncs d’arbres. Une scierie entourée
de piles de rondins … de trois mètres de haut. Nous franchissons
le Grant Pass.
- “Ici, ce n’est plus la Californie, tient
à nous expliquer le pompiste de chez Chevron : on sert le client
et on lui lave ses vitres”.
OK, vive l’Oregon … et ses beaux paysages de
montagnes (même si l’altitude n’est pas forcément élevée,
moins de 700 mètres).
Devant un restaurant pour routiers, un vrai
“truck” monté sur piédestal : mais comment font-ils ??
Nous atteignons Portland après le coucher
du soleil. Finalement, 1000 kilomètres d’autoroute en une journée,
c’est rien du tout. Au moins, on n’est pas retardé par les péages
!
Par contre, le dîner chez Shary’s est
infect, même la soupe est noyée sous une tonne de crème.
Tu m’étonnes, qu’ils soient 30% d’obèses.
Vendredi 15
Au programme, journée à Portland.
Le ciel est “cloudy” ce matin : il faut bien qu’il pleuve, dans un état
aussi verdoyant.
Enfin garés dans le centre de Portland,
après avoir beaucoup tourné (les places sont chères,
au sens propre), nous partons à pied sous un ciel de plomb.
Pour finir la journée, nous décidons d’aller voir l’Océan Pacifique. Très vite, on se rend compte que c’est trop loin (ah, les distances américaines !). Nous nous contenterons de visiter Sauvie Island, une minuscule île entre deux rivières, la Columbia et la Willamette. Bucolique, des paysages très Europe du nord, champs de maïs, bocages, maisons sur pilotis : un petit paradis préservé. Et des observatoires aménagés de la “wildlife”. Mais en général, quand on veut “observer” les animaux sauvages, on ne voit rien. Si ce n’est quelques serpents dans l’herbe. Courage, fuyons …
Samedi 16
En route vers Seattle par le chemin des écoliers,
en longeant la côte Pacifique. Et d’abord en suivant le cours de
la Columbia River, empruntée jadis, au début du 19ème
siècle, par les pionniers. Et en particulier, par les “voyageurs”
canadiens d’origine française, pour construire le premier Fort de
la côte ouest, Fort Astoria.
Aujourd’hui, la Columbia sert au trafic commercial
avec l’Asie, si l’on en juge par les porte-containers Toyota ou Hyundai
(et même Michelin). Les industries (bois, papier …) fleurissent au
bord de ce fleuve historique. Étrange : beaucoup de ces usines ont
l’air abandonnées, rouillées …
Après Saint Helens, la route devient
plus étroite, bucolique, tranquille. Un joli lac … bordé
par une centrale nucléaire. Le calme n’était qu’apparent.
La route nous ramène au bord de la Columbia,
rivière décidément très industrielle, bordée
de grues et de cargos en attente de chargement. Dans un paysage néanmoins
majestueux de hauts sapins, que nous admirons depuis un “view point”
aménagé, avec tables en bois pour le pic-nic. L’air, léger
et doux, sent la fraise des bois. Un mobile-home est installé là,
où vit un marginal, tranquille, entouré de ses possessions
plus ou moins rouillées.
Étonnant le nombre de ces pauvres maisons
légères posées dans les prés qui sont toujours
entourées d’un bric à brac hétéroclite - vieilles
voitures, vieux outils … - et toujours rouillés ! A quoi ça
peut bien leur servir ? C’est toujours la question que je me pose …
Nous sommes sur le chemin emprunté par
Lewis et Clark, les premiers explorateurs de l’Ouest américain,
au tout début du 19ème siècle. Les premiers
occupants furent germaniques ou suédois, si j’en juge par les noms
et par le style scandinave des maisons. Sur le bas-côté, un
piéton avec un grand sac-poubelle à la main : voila donc
à l’oeuvre ce fameux sens civique qui fait participer le citoyen
à l’entretien des routes. Bénévolement, bien sûr.
La John Day River, du nom d’un jeune pionnier
écossais qui s’est suicidé, ayant trop souffert de privations.
L’occasion de se souvenir de ces premiers américains qui ont fait
parfois le sacrifice de leur vie.
C’est sur un immense pont métallique
vert que nous franchirons le bras de mer, direction l’état de Washington.
D’abord surélevé pour laisser
passer les cargos, le pont descend ensuite au ras de l’eau : impressionnant,
surtout qu’il n’est pas tout jeune.
Revoilà la forêt, taillée
par tronçon. A Aberdeen, une gigantesque sawmill (scierie) qui affiche
son “timber.com”. Ici, le coin est plutôt “british”, il y a même
un “Devonshire”.
L’état de Washington est tel que je
l’imaginais : sapins exubérants, hauts et touffus, herbes blanches.
Un concessionnaire Ford gardé par un
Superman gonflable de trois mètres de haut.
Notre petite route “scenic” devient une deux
fois deux voies parfaitement dessinée, large comme une autoroute
française. Le soleil couchant éclaire les frondaisons et
dore les herbes blondes. Un original en pick-up agrémenté
de roues de camion, monstrueuses de largeur et de hauteur : ravissant.
Et sûrement utile !
Tiens, encore un allumé, celui-ci a
dû faire faire sa voiture sur mesure : un engin de sport rouge, au
ras de la route, tellement bas qu’on dirait un jouet. Unique, c’est sûr
!
Motel à Tacoma, dans la banlieue de
Seattle.
Dimanche 17
Il fait gris, ce matin pour notre journée
à Seatlle. Après une bonne “ham and cheese omelett”, nous
empruntons l’Interstate 5 au revêtement tressautant. Bon trafic
pour un dimanche. “Entering Seattle”, avec un premier aperçu de
ses buildings dont le sommet se perd dans la brume. A gauche, le port et
ses grues oranges. Jolie vue, je sens que cette ville va me plaire.
Sortie 165, dans Seneca Street. Il faut se
tordre le cou pour apercevoir le somme de ces tours de verre.
Un centre-ville qui a du caractère. Pas
trop de circulation, places de parking faciles à trouver - et gratuites.
Nous partons à pied, en commençant par la Space Needle, cette
Tour Eiffel moderne pour touristes : on se contentera d’une photo, refusant
de payer 16 dollars pour prendre un ascenseur !
Par contre, empruntons le monorail, (5 dollars
à deux AR) qui nous mène dans le centre, avec une vue plongeante
sur la ville.
Du terminus, sur la 5ème Avenue, nous
voila parti pour … 5 heures de marche. Coup de foudre pour cette ville
américaine, avec son Market couvert à l’européenne,
mais sur plusieurs niveaux, avec marchands de fruits et légumes,
et boutiques variées.
Des escaliers descendent jusqu’au Water Front,
avec son quai en planches, ses cafés, ses brocantes. Un peu comme
le Pier 39 de San Francisco mais en nettement moins touristique. Nous remontons
ensuite pour un tour dans le quartier des grands magasins : belles rues
très larges, aérées, presque sans voitures. Hauts
buildings sombres vertigineux, dont certains très audacieux.
Vieux immeubles de briques des années
30, anciens cinémas, grands magasins de style art déco, ou
hyper-moderne comme le Temple dédié à Nike, ou encore
ce Palais du jouet sur trois étages. Sans oublier cette boutique
Kitschissime destinée à La Femme, où l’on est accueilli
par une Dame au sourire perpétuel, et où l’on admire des
fringues de Mémères enrichies au son d’une guitare live :
devant ces sacs au crochet et ces jupes-sacs à Bobonnes, j’en attraperais
un fou-rire mémorable.
Moderne, aérée, calme, élégante,
agréable : c’est le souvenir que je garderais de la ville de Seattle.
En plus, par chance, il faisait beau.
Nous quittons Seattle, encore embellie par
le soleil couchant, pour aller dîner … chez Mac Do, vite fait-bien
fait.
Lundi 18
Aujourd’hui, direction Coeur d’Alene, dans le
nord de l’Idaho, par le chemin des écoliers. Par la 18, une
“petite” route qui s’avère de la taille d’un autoroute. Avant de
se réduire à deux voies bordées de majestueux sapins
verts (au moins 30 mètres de haut), dont un léger brouillard
estompe les cimes. De nouveau, l’Interstate, extra-large, qui taille sa
route à travers un paysage nordique, massifs rocheux couverts de
sapins sombres, talus en herbes blondes. Une voiture tous les 50 mètres,
no stress. Nous montons vers le Snoqualmie Summit, une région de
ski. L’air est vif, il se met à pleuvoir, ce qui devait arriver
dans cet état “toujours vert”.
Un lac artificiel, immense, en partie à
sec, dans un site gigantesque de montagnes et forêts. Soudain, un
timide rayon de soleil réchauffe ce paysage très “Twin
Peaks”.
Sur la 970, joli route au décor parsemé
de sapins, ranches en bois brun-rouge. Une région peu peuplée
: seules quelques boites aux lettres, regroupées au bord de la route,
signalent la présence d’habitations. Une zone de “ski crossing”
(ski de fond) puis, soudain, une riante vallée où coule une
rivière scintillante et où poussent … les arbres fruitiers.
Pommes, pêches, poires … se récoltent sur un sol qui semble
bien sec.
En face, un “supermarché” de la brocante
tenu par une business woman : Annie Apple (au nom prédestiné
dans cette région de vergers) est une grande blonde qui connait
Chamonix et l’Alsace … mais surtout son intérêt en affaires.
Cependant, c’est pas avec nous qu’elle va faire fortune, on lui achète
seulement deux minuscules personnages publicitaires (M&Ms) à
35 cents l’un - le reste étant hors de prix !
Sur la route 2, qui longe la Wenatchee River
entre des collines pelées. Soudain, la rivière fait une boucle,
s’étirant dans une vaste plaine plantée d’arbres fruitiers.
Puis reviennent les herbes blondes sauvages, les buissons de sauge gris
et d’impressionnants rochers surplombant la Wenatchee. A Orondo, l’air
sent la pomme : il s’agit de la “red classic”, selon une publicité.
Puis la route s’éloigne de la rivière
et de ses vergers pour monter sur un vaste plateau où pousse le
blé. C’est Waterville, 900 mètres d’altitude : nous entrons
dans un “General Store” daté au dessus de la porte de 1904. Surprise
: l’intérieur est lui aussi d’époque, avec une ancienne
fontaine à soda, un vieux bar et ses tabourets chromés …
Rarissime aux Etats-Unis, où on préfère le neuf au
vieux.
Ils ont l’air d’être parfaitement heureux
dans ce coin tranquille, où il fait très froid l’hiver. Même
si, “plus loin, il n’y a rien” selon Sandi.
En effet, il n’y a pas grand-chose, si ce n’est
ce grandiose paysage sauvage et désertique dont je ne me lasse pas.
Une route rectiligne qui ondule à l’infini, balayée par un
vent doux mais fort. Tiens, une haie pour abriter une ferme du vent : mais
c’est habité. Et d’ailleurs, ce sont des champs de blés cultivés.
Juste interrompus par un canyon de roches grises. Avant que les champs
ne reprennent. Un farmer sur son “petit” engin agricole.
A une table près de nous, quatre jeunes
Français discutent cinéma américain. Quand nous quittons
le restaurant à son heure de fermeture (23 heures), ils seront bons
derniers, encore attablés, réunis par une convivialité
très française, qui n’existe pas ici.
Les Américains mangent vite, comme pour
se débarrasser d’une corvée : voici une bonne illustration
de nos différences culturelles.
Mardi 19
Soleil doux ce matin, pour quelques courses
dans un “Outlet” (magasins d’usine regroupés sur un vaste site avec
immense parking). Puis direction Missoula, Montana, par les petites routes,
comme cette 95 qui “monte” vers la province de l’Alberta, au Canada. Un
piéton, debout au carrefour : le pauvre, comme nous compatissons
! Cependant, le drapeau américain flotte sur une grue de chantier
: tout va bien, l’Amérique reste fière d’elle-même.
Le nord de l’Idaho est un pays de ranches,
de fermes en bois rouge de style scandinave et de sapins bas. Le lac “Pend
Oreille” (texto), immense, niché dans les collines boisées.
Des travaux gigantesques sur la 95 : on la
refait à neuf, alors qu’elle nous parait déjà parfaite.
L’air sent le sapin. Sand Point, au bord du lac, la petite ville western
typique. Le facteur au volant d’une Ford Bronco 4x4, distribue le courrier
sans sortir de voiture.
Sur la route 2, qui file vers l’est, nous atteignons
un vaste plateau cerné de montagnes boisées. Un panneau “Overlook”
nous conduit sur une aire de repos avec vue sur un pont, suspendu au dessus
de la Kootenai River : une table en bois, un rayon de soleil perçant
le sous-bois, personne à l’horizon … Endroit idyllique pour un pic-nic.
Bientôt dans le Montana, où nous
avançons nos montres d’une heure, l’heure des montagnes ( “Mountain
time zone”).
Juste quelques maisons isolées, habitées
par des individualistes au caractère forcément bien trempé.
La route 2 longe la rivière Kootenai scintillante. On ne croise
que de temps en temps un pick-up, un truck ou une vieille américaine.
Pas de frimeurs ni de gros capitalistes dans ces coins perdus !
A Troy, c’est l’heure de la sortie des classes
: le school bus jaune dépose ses gamins en jean et sacs à
dos sur le pas de la porte de leurs parents. Délinquance scolaire,
connait pas, à mon avis.
La vallée s’élargit à
Libby. Un vendeur de ski-doo (moto des neiges), un constructeur de “log
home” (maisons en rondins) et un sculpteur sur bois animalier : c’est le
Montana !
Un doux dingue est assis au bord de la route,
les deux bras levés : pour lui faire plaisir, M. lui fait le signe
de Victoire !
L’air est doux et léger dans ce merveilleux
paysage de montagne. Le grand ciel du Montana déploie ses énormes
nuages blancs cotonneux, bordés de lumière. Vertes prairies,
sapins de toutes tailles étagés sur les collines. La route
est à nous.
Des biches et cerfs en plastique trônent
sur la verte pelouse d’une belle maison. Deux totems indiquent l’entrée
d’un ranch. Si aujourd’hui, le “fire danger” est “moderate”, nous entrons
dans une zone qui a brûlé précédemment. Des
collines entières sont noires, avec déjà quelques
jeunes pousses vert-tendre.
Un gros corbeau noir s’envole, une biche dans
l’herbe blonde nous fait admirer son joli derrière. Le Thompson
Lake, perdu au milieu des sapins drus, puis le Mac Gregor Lake, sur lequel
le soleil jette enfin un timide rayon.
C’est le pays des bûcherons et des cow-boys.
Le bled de Marion, trois maisons. D’autres sont cachées dans les
alentours, si l’on en croit les boites aux lettres avancées au bord
de routes en terre.
Kalispell, au pied d’une énorme barre
rocheuse, ses immeubles western datés de 1900, son église
presbytérienne imposante.
Sortant de son vieux pick-up, un individualiste
du Montana : énorme barbe broussailleuse, cheveux longs sous un
chapeau de cow-boy noir, vieux jean rapiécé et chemise à
carreau rouge. Souriant et bonhomme. Hors des modes et loin de la “mondialisation”,
il a l’air content de son sort.
Mercredi 20
Froid glaçant ce matin sur Missoula,
au coeur des Rocheuses. On dirait que l’hiver est là. Après
une déjeuner bien calorique (avec “bratwurst”), chez 4B’s, nous
traversons cette ville de caractère cernée de collines pelées.
Ciel gris, temps froid (49F). Après quelques courses chez Wal-Mart,
où un vieux distribue les caddies (obligé de travailler,
à son âge ?), nous voici sur la 93 south, à travers
la Vallée de la Bitterroot, celle-là même qui a flambé
en cet été 2000.
- “Merci aux pompiers”, indique un panneau
à l’entrée de la petite ville de Florence. Un village de
retraités, (“retirement village”), des ranches en bois brun entourés
de clôture en barbelés, une scierie, une gun-shop, plusieurs
casinos (prononcer “quéssino”). Un “Never sweet Ranch” (je
me la coule douce ?).
La route monte vers le col du Lost Trail, qui
fait frontière avec l’Idaho. Redescend en larges lacets dans
la vallée de la Salmon River. Nous sommes de nouveau sur le chemin
emprunté par Lewis et Clarck : il reste des traces de l’ancienne
route tracé par les pionniers, ainsi qu’un site de village de chercheurs
d’or, Gibbonsville, qui a “produit deux millions de dollars en or”.
“Dénoncez les conducteurs ivres”, nous
incite l’état de l’Idaho.
Les mêmes maisons en bois que dans le
Montana, mais souvent en bois plus clair.
Nous entrons dans un canyon de collines rocheuses
roses et beiges, les rares arbres se concentrant autour de la Salmon River.
La vallée s’élargit en arrivant sur un plateau cultivé,
entouré de collines désertiques et, plus loin, de hautes
montagnes bleutées.
Salmon, à l’emplacement d’un ancien
Trading Post (poste de commerce des fourrures) : juste quelques maisons
mais plusieurs “internet acces”.
Sur la route 28, nous franchissons le 45ème
parallèle, à “mi-chemin entre l’Equateur et le Pôle
Nord”.
Apparition de buttes et mesas (“tables” en
espagnol) rocheuses. Un Ranch du Nid d’Aigle, des vaches noires et brunes
et même quelques moutons dans les prés jaunes-verts. Sur fond
de ciel cotonneux troué de bleu.
Leadore, un bled peu à l’étroit
sur ce gigantesque plateau … qui s’élargit encore, jusqu’à
perte de vue. Je tente une photo de ces grands espaces, tout en sachant
que c’est impossible à rendre sur pellicule.
Vers le soir, le ciel se dégage, le
soleil dorant la prairie où ne poussent plus que des touffes de
buissons gris sur une herbe rose et blonde … et quelques cailloux.
Après le Gilmore Summit, à 2400
mètres, point culminant du plateau, la 28 emprunte le chemin des
Indiens “Nez Percés” (en français dans le texte), quasi déserte
à cette heure.
Un troupeau d’une centaine de vaches, et quelques
mustangs bruns élancés, nous prouvent que la région
est habitée. Même si très peu, comme à Lone
Pine : une maison, un café … mais le drapeau américain flottant
au vent.
Encore une cinquantaine de kilomètres
de “désert”, plat, inhabité, interrompu seulement par quelques
buttes arrondies comme des fesses potelées.
Soudain, un énorme truck aux chromes
rutilants dans le rétroviseur, qui bientôt … nous doublera,
alors que nous sommes déjà au-delà de la vitesse autorisée
!
A la tombée de la nuit, retour à
la civilisation et aux champs cultivés : voici Mud Lake, 179 habitants.
J’adore cette expérience des “déserts
américains” : on ressent le frisson de la solitude, tandis qu’on
prie pour ne pas tomber en panne d’essence au milieu de nulle part.
Habitués que nous sommes à être accueillis avec le sourire et conduits à notre place, comme il est de règle partout, nous tournons les talons aussi sec. En espérant bien l’avoir vexé : mais à mon avis, elle s’en fout royalement !
Jeudi 21
Au petit déjeuner, la serveuse du JB’s,
qui rigole toutes les trois minutes en exhibant ses dents chevalines, nous
demande ce qu’on vient faire dans ce trou perdu. C’est vrai que la région
d’Idaho Falls est agricole et les gens “rustiques”, pour le dire gentiment.
Leur unique souci semble être un manque de places de parking.
Bientôt, nous voila en route pour “Craters
of the moon National Monument”, à travers les grands espaces blonds
de l’Idaho. Déjà, apparaisse les premières formations
volcaniques, blocs de roches noires comme tombés du ciel, et, au
loin, trois Buttes noires “récentes”, formées de basalte
dur, annonce un panneau : elle datent de 600.000 ans !
Plus tard, suivant un autre panneau indiquant
“historical marker”, nous atterrirons … devant un centre de stockage de
déchets radioactifs !!
A l’approche du Parc, le paysage est un désert
de terre nue où ne poussent plus rien du tout, sauf des cailloux.
Attention, voici une zone de “sand dust” (poussière de sable), où
les vents balaient le sable sur la route.
Ensuite, retour à la végétation,
aux fermes et champs cultivés. Butte City, 59 habitants. Arco et
ses motels à l’abandon. Des ballots de foin sont empilés
“à l’américaine”, c’est à dire formant un mur jusqu’au
ciel. “Think big” !
Sous un ciel gris très bas, apparaissent
les premières formations volcaniques noires, parsemées de
buissons gris-verts.
Des sentiers comme toujours pédagogiques
autant qu’écologiques : où l’on apprendra que ce site, jadis
terrain de chasse des indiens Shoshones, est entré en éruption
il y a 15.000 ans et s’est éteint voici seulement deux mille ans.
Pas un unique volcan mais plusieurs fissures ou crevasses par où
la lave sortait, laissant derrière elle des cônes aux formes
torturées, des tunnels, grottes, et autres “bombes” .
Des arbres aux branches affreusement tordues
rongés par des parasites, un jardin de cendres, un Grand Cratère,
un cône de l’Enfer, et un Tunnel de l’Indien.
Gelés et trempés certes, mais
contents d’avoir exploré ce Parc d’une noire beauté. Ce qui
n’est pas le cas de beaucoup d’Américains, surtout les femmes, qui
restent les fesses collées aux sièges de leurs voitures trop
confortables. Seul parfois leur courageux mari ose mettre le nez dehors
quelques minutes, histoire de ramener une photo-souvenir.
Juste pour me contredire, voici qu’arrive une
bande de filles héroïques sur leurs VTT de course. Sous la
pluie glacée, elles pédalent avec vigueur, en file indienne,
muscles saillant sous leurs combinaisons fluos de compétition.
C’est au moment de quitter le Parc que le ciel
semble vouloir se dégager, bien sûr. Le paysage est
plus “scenic” que jamais, le noir des champs de lave faisant chanter
le jaune de l’herbe et le gris des buissons de sauge. Entre deux “lava
beds”, des champs cultivés. Pas un arbre, ou alors bien solitaire.
Carey, 500 habitants, et presque autant de pelouses verdoyantes copieusement
arrosées au jet. Après Shoshone, 1359 habitants, retour de
la prairie désertique, inculte mais tellement belle à regarder,
sous le soleil.
C’est la plaine de la Snake River, rivière
verte au fond d’un canyon que nous franchissons pour arriver à Twin
Falls.
Avec ses 32.000 habitants, Twin Falls est une
ville tranquille qui s’étire à l’aise dans la plaine, propre,
parfaitement écolo, cernée de magasins gigantesques et de
non moins gigantesques pelouses.
Tiens, un camion de pompier devant l’accueil
de notre Motel 6. Il y a le feu ?
Bizzare, un peu plus tard, nous retrouvons
cet énorme camion chromé muni de sa grande échelle
… garé sur le parking. M., intéressé par l’engin,
veut aller l’examiner de prêt : il en voit descendre … un retraité
à casquette rouge, ses valises à la main, qui se dirige vers
sa chambre.
Gamin, il devait rêver d’être pompier
… L’Amérique permet apparemment de réaliser ses rêves
en grandeur nature !
Vendredi 22
Ce matin, nous restons à Twin Falls. Le Visitor Center nous apprend qu’il ne faut pas rater les Shoshone Falls, sur la Snake River : les “chutes du Niagara de l’Ouest”, “plus hautes de 16 mètres que celles du Niagara” (soit 70 mètres de haut). Par un vent glacial (il fait 9° !), nous paierons 3 dollars pour admirer ces chutes d’eau certes écumeuses. Mais c’est surtout le site qui est à couper le souffle …
Vite, remontons en voiture, au chaud, pour poursuivre
notre périple à travers la Prairie aride, de plus en plus
désertique à l’approche du Nevada.
A la frontière du “Silver State”, la
ville de Jackpot annonce la couleur. Bienvenue dans l’empire du Jeux et
des Casinos.
Le Nevada ou comment réussir à
faire de l’argent au milieu du désert.
Un désert sauvage, montagneux, rocailleux,
buissonneux, sableux. Sans aucune monotonie, au contraire, une variété
incroyable de buttes rondes et carrées ou de mamelons ronds et pointus
parsemés d’herbe blanche et rose. Rien à voir avec les dunes
du Sahara. D’autant plus qu’il tombe toujours une pluie sinistre et glaciale.
Un ranch, quelques vaches, noires, des chevaux
… et pour seul décor, les pylônes électriques plantés
sur les collines.
L’image qu’il me reste du Nevada ? Les couleurs
délirantes des rares buissons et herbes rases : rose-orange, jaune-or,
vert-gris, gris-jaune. Toutes les nuances de blanc du sol sableux. En arrière-plan,
le gris-bleu-rosé des montagnes. Et cette hallucinante odeur de
sauge : forte, entêtante, sauvage.
Wells, sa station-service Chevron, son “barber
shop”. Elko, ses casinos à gogo et ses joueurs venus en autocar.
Comme cette vieille dame malade, qui tient à peine debout. Portée
à bout de bras par une plus jeune, elle veut aller jouer, encore
une fois. Et elle y va, lentement mais sûrement … Vers l’immortalité
?
Quant à nous, un peu de shopping dans
un Albertson nous tiendra lieu de drogue !
Retour sur l’interstate 80, dans un paysage
toujours tourmenté aux couleurs éclatantes.
Les autoroutes américaines : larges,
parfaitement entretenues, tapis de velours au marquage bien blanc, virages
relevés dans le bon sens, intégrées au paysage … Je
crois être en mesure d’en témoigner … après des dizaines
de milliers de kilomètres d’est en ouest et du nord au sud en 5
ans ! Qu’on ne me parle plus des “infrastructures déliquescentes”,
OK ?
Emigrant, huit maisons. Winnemuca, où
parait-il, “Butch Cassidy est devenu riche : pourquoi pas vous ?” …
Pour notre part, nous n’irons pas jouer, seulement
nous coucher, après 500 bornes de route !
Samedi 23
Le soleil est de retour mais l’air toujours
aussi vif. Nous apprenons que, deux jours auparavant, il faisait presque
30° !
Pour aller déjeuner chez Denny’s, il
faut traverser … un immense salon de machines à sous cliquetantes.
Habile tentation … De bon matin, les joueurs sont déjà nombreux.
Ainsi, cette grosse baleine accompagnée de ses parents, qui n’arrive
à s’asseoir que de biais tellement elle déborde de son tabouret.
Mais ça ne l’empêche pas de jouer …
Retour sur l’I 80, direction Reno, Nevada.
Le même paysage qu’hier, mais encore plus éclatant sous le
soleil. Enfin, de l’eau : le Rye Patch Dam, est un barrage sur une rivière
verte. C’est beau mais il fait toujours très froid pour un mois
de septembre.
Après “Toulon” et ses trois (ou
quatre ?) habitants, nous entrons dans le Forty Miles Desert, une portion
de désert meurtrier, du moins à l’époque des émigrants.
Au milieu du 19ème siècle, ils furent plus de 900 à
mourir de soif dans cette fournaise. Le bled de Hot Springs, qui possède
vraiment des sources chaudes naturelles qu’on voit fumer au loin. Attention
aux “forts vents traversants”. Bref, une contrée inhospitalière.
Bien que très belle à regarder depuis sa moderne voiture
climatisée.
Très peu habitée, la région
ne comptent que quelques baraques déglinguées, entourées
de ces mêmes camions et outils rouillés qui m’interpellent
!
A Fernley, une cimenterie. Au bord de la Truckee
River, un ensemble de maisons coquettes sous les arbres.
Aux abords de Reno, des publicités agressives
vous invitent à “venir jouer avec nous”. Reno, au fond d’une cuvette
cernée de montagnes pelées : son lac artificiel, ses vergers
plantés dans le sable, son énorme hôtel Hilton. Et
son gigantesque concessionnaire Harley Davidson : on comprendra bien vite
pourquoi !
Tiens, le samedi est le jour de sortie des
motards : cloutés-frangés-en Harley, on dirait qu’ils sortent
de tous les coins de l’horizon. Il faut dire qu’il fait beau et chaud aujourd’hui
: on les envierait presque.
Sauf qu’ils sont trop nombreux : à deux
mais plus souvent à 3, à 5, à 20, ils sont partout.
Quand 30 motards en cuir noir clouté attendent pour faire le plein,
vous êtes en minorité avec votre grosse voiture : ils passeront
d’abord.
Je n’ai pas dit qu’ils avaient l’air méchants
: la plupart sont plutôt du style bedonnant, ventre moulé
dans leur blouson ajusté, franges au vent mais avec sa Chérie
derrière.
Il faudra attendre la tombée de la nuit
pour voir leur nombre diminuer. Oui, aujourd’hui c’était le “Bikers’day”
et je suis ravie d’avoir vu ça !
Peu intéressés par Reno et ses
casinos, nous visiterons par contre Carson City, la capitale du Nevada
toute proche, une petite ville tranquille comportant de nombreux monuments
historiques … du moins à l’échelle américaine : des
maisons datant de la fin du 19ème siècle. Là, personne,
aucun touriste, aucun bruit, si ce n’est le vrombissement des Harley
dans le lointain.
A la frontière avec la Californie, un
… poste de douane ? Non, mais une guérite où on nous demande
d’où on vient. C’est un contrôle du département de
l’agriculture ???
Il est vrai que les Californiens sont persuadés
d’être l’élite de la nation. Sans doute aimeraient-ils une
vraie frontière ?
Sur un parking, débarque une bande de
jeunes, de sortie en ce samedi soir … Non, pas en “mob” comme chez nous,
ni même en Golf GTI trafiquée, mais … en coupés-sport
japonais derniers modèles.
C’est à qui aura le pantalon le plus
large, le plus long, et le crâne le plus rasé. Et à
qui hurlera le plus fort. Bourré d’une énergie multi-vitaminée,
l’un d’eux s’éjecte de sa Honda Prélude en un bond, avant
de rebondir comme un Marsupilami sur le mobilier urbain. Et sans se prendre
les pieds dans son jean 5 tailles trop grand : bravo, l’artiste !
C’est à la nuit noire que nous arrivons
à notre motel de Woodland, près de Sacramento.
Dimanche 24
J’avais prévu la matinée à
Sacramento, capitale de la Californie, mais, au vu des brochures présentant
le “old Sacramento”, nous sommes rebutés par cette machinerie touristique.
Nous décidons de passer notre dernière journée au
bord du Pacifique.
Ce qui se révélera une bonne
idée - sauf que l’Océan se mérite. Pour l’atteindre,
il nous faut traverser la Baie de San Francisco : deux heures et demi de
route pour 120 petits kilomètres !
L’occasion de constater que les interstates
ne désemplissent jamais, même le dimanche. Collines pelées
jaunes, arbres rabougris pour le paysage. Zones industrielles, usines fumantes.
Néo-villages flambant neufs, protégés d’une enceinte
: on dirait que c’est à la mode ici, ces ensembles de maisons “clichés”,
avec un toit en tuile, une cheminée. Encore un autre cliché
californien : deux jeunes blondes en cabriolet chic.
Dans la Silicon Valley, on travaille le dimanche,
vu le nombre de voitures qui sillonne cette autoroute à deux fois
5 voies. Peut-être vont-ils chez Apple, dont voici le siège,
agrémenté sur la façade d’une photo gigantesque du
barbu Steve Wosniack, co-fondateur avec Steve Jobs.
Enfin, nous sortons sur la route 92, direction
l’Océan. Mais apparemment, on n’est pas les seuls à avoir
eu cette idée : la 92 bouchonne du haut de la colline jusqu’à
la mer .
Affolé, M. se voit déjà
ratant l’avion, malgré les 5 heures qui nous restent : car, avec
notre chance …
Ce n’est rien, seulement “45 minutes
de bouchon”, tente de le rassurer un habitué résigné.
En fait, il a raison.
Durant plusieurs heures, nous remonterons vers
la ville en longeant la côte. Hautes falaises plongeant vers la mer,
plantées de roseaux à longue chevelure jaune, bientôt
noyées sous les bancs de brume. La route 1, étroite, monte
entre des collines vertes plantées de pins et d’eucalyptus puis
plonge dans un canyon de roches rouges. Référence pour les
cinéphiles : la poursuite en voiture dans Basic Instinct !
Les collines sont de plus en plus construites
en même temps qu’on approche de San Francisco. Pavillons identiques
collés les uns aux autres, à la chaîne.
Le lac Merced, joli coin tranquille sous les
pins. Avant de retrouver l’interstate, direction l’aéroport SFO.
Au compteur, 5315 kilomètres, soit 480
kilomètres journaliers en moyenne.
Florence CANARELLI
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