CARNET DE VOYAGE / USA 2000
Explorons les lointains territoires du Nord-Ouest

Cette année, explorons le nord-ouest des Etats-Unis. Un climat plus froid et pluvieux mais des paysages magnifiques et authentiques, peu peuplés, d'une froide beauté. Mais auparavant, un petit contretemps (lire l'épisode “No driver license …”).
Cliquez sur les images …

Ecouter une danse du serpent Cherokee
                                                                             

Totem indien dans l'état de Washington, et
paysage lunaire du "scenic" Idaho

Cette année, nos vacances commencent très fort : on a oublié notre permis de conduire à Nice. Une étourderie qui sera la source de rocambolesques “aventures”. Où l’on verra que les Américains ne sont pas tous riches. Que les Asiatiques ne sont pas tous souriants, ni les Blacks tous en prison. Mais que la Californie est bien une mosaïque ethnique (32% d’Hispaniques, 12% d’Asiatiques, 7% de Noirs).
Où l’on comprendra à quel point le précepte “It’s the Law” régit la société. Et que la Police est moins à cheval avec la Loi … que certaines entreprises privées.
Pour finir, nous serons “sauvés” par le Rêve Américain, en la personne d’Oliver David Gomes, un Hispano-Black-Américain qui mérite d’être élu “President of the USA” ! (Lire “No driver license …”).

Jeudi 14

Après une première vraie nuit de sommeil, le réveil sonne à 5 heures 30. Pas de temps à perdre, il s’agit de faire aujourd’hui 1000 kilomètres pour rattraper le temps perdu. Car nous avons réservé par internet tous les motels de notre circuit.
A 7 heures, nous nous engageons sur l’Interstate 680, en même temps que des milliers de Californiens démarrant leur journée de travail à fond la caisse.
S’ils bossent assurément comme des fous …en tous cas pas sur les routes, qui sont dans un état pitoyable : rainurées, rapiécées, bosselées.
L’état le plus riche des USA n’aurait pas les moyens d’entretenir ses freeways … Ou bien plutôt, pas le temps ? Vue la densité de la circulation à cette heure matinale, il me parait matériellement impossible de bloquer une voie pour faire des travaux … sous peine d’asphyxier toute la Baie de San Francisco, ses 6 millions d’habitants, et sans doute au moins autant de voitures.
La file de gauche est réservée au co-voiturage mais cela n’a pas de dissuader chacun de prendre SA voiture.
Pour nous qui montons vers le nord, ça roule encore à peu près. Mais la voie descendante vers San Francisco bouchonne déjà sur des dizaines … et des dizaines de miles. L’enfer dans cette Baie “paradisiaque” (à l’origine !).
Le soleil se lève tandis que nous roulons à bonne allure, toujours poussés par ces millions d’Américains si pressés d’aller bosser.
La circulation s’éclairçit un peu au niveau de la ville industrielle de Vallejo. Je prend enfin le temps de contempler ce paysage si unique de collines pelées couvertes d’herbes sèches, plantées de maigres eucalyptus, palmiers ou sycomores.
 
Vers 8 heures, nous rejoignons l’Interstate 80 bordé de lauriers exubérants, qui n’a plus que deux voies : enfin une circulation fluide.
Pour achever notre “résurrection”, nous déjeunons dans un Coffee Tree, restaurant à la déco couleur café : le bon gros breakfast américain classique qui nous évite de manger à midi.
De retour sur l’Interstate, voici enfin l’Amérique que nous aimons, celle des grands espaces : une vaste plaine herbeuse jaune pâle, quelques vaches rousses, un ranch.
Plus nous montons vers le Nord de la Californie, plus le paysage devient vert … et le ciel couvert.
Midi, à Redding, dans le Shasta County, la “porte des montagnes”. 

La route monte en effet dans les pins, et longe le Shasta Lake, un lac artificiel mais rafraîchissant aux bords de sable rouille parfaitement symétriques. Après une petit arrêt au bord du lac, nous reprenons l’interstate au milieu des sapins et autres conifères. Après Weed, (1000 mètres d’altitude), soudain, une majestueuse plaine blonde balayée par un vent doux, sous un ciel qui se dégage.
Une fausse vache meuglant vers le ciel, toute seule dans un pré. Nous sommes dans le Jefferson State, qui a son site (jeffersonstate.com).
La route redescend dans la Vallée de la Klamath River, toute verte parsemée de buissons de sauge. Voici l’Oregon et ses sapins. Montagnes et forêts sous un ciel bleu pâle, nombreux camions chargés de troncs d’arbres. Une scierie entourée de piles de rondins … de trois mètres de haut. Nous franchissons le Grant Pass.
- “Ici, ce n’est plus la Californie, tient à nous expliquer le pompiste de chez Chevron : on sert le client et on lui lave ses vitres”.
OK, vive l’Oregon … et ses beaux paysages de montagnes (même si l’altitude n’est pas forcément élevée, moins de 700 mètres).
Devant un restaurant pour routiers, un vrai “truck” monté sur piédestal : mais comment font-ils ??
Nous atteignons Portland après le coucher du soleil. Finalement, 1000 kilomètres d’autoroute en une journée, c’est rien du tout. Au moins, on n’est pas retardé par les péages !
Par contre, le dîner chez Shary’s est infect, même la soupe est noyée sous une tonne de crème. Tu m’étonnes, qu’ils soient 30% d’obèses.

Vendredi 15

Au programme, journée à Portland. Le ciel est “cloudy” ce matin : il faut bien qu’il pleuve, dans un état aussi verdoyant.
Enfin garés dans le centre de Portland, après avoir beaucoup tourné (les places sont chères, au sens propre), nous partons à pied sous un ciel de plomb.
 

Portland, sa place proprette mais austère, son vieux cinéma …

Première impression de Portland : bonjour tristesse !
Moi qui m’attendait à une ville verte, écolo, très agréable à vivre : “pas pressée, sans bouchons, sans prétention” selon les termes du Let’sGo.
Je vois une petite ville bourgeoise, très “clean” mais où tout me parait surdimensionné.
C’est vrai qu’il n’y a pas foule, on ne se bouscule pas. Mais alors pourquoi autant d’échangeurs routiers sur trois niveaux, autant de ponts suspendus métalliques, de voies rapides souterraines pour une ville de 440.000 habitants.
La “Bank of America” est un Parthénon écrasant, le moindre immeuble de brique rouge a des dimensions gigantesques.
Le mobilier urbain, arrêts de bus ou jardinières de fleurs, semble fait pour durer 1000 ans. Des matériaux nobles - pierres grises ou noires, marbres sombres, aciers bruns - mais glaçants… Comme dans un cimetière de luxe.
Une curiosité : la gare, en briques rouges, est une des plus anciennes des USA (1896).
Bref, Portland n’est pas une ville affreuse : juste un peu triste à mon goût. Et quand même bien mégalo !

Pour finir la journée, nous décidons d’aller voir l’Océan Pacifique. Très vite, on se rend compte que c’est trop loin (ah, les distances américaines !). Nous nous contenterons de visiter Sauvie Island, une minuscule île entre deux rivières, la Columbia et la Willamette. Bucolique, des paysages très Europe du nord, champs de maïs, bocages, maisons sur pilotis : un petit paradis préservé. Et des observatoires aménagés de la “wildlife”. Mais en général, quand on veut “observer” les animaux sauvages, on ne voit rien. Si ce n’est quelques serpents dans l’herbe. Courage, fuyons …

Samedi 16

En route vers Seattle par le chemin des écoliers, en longeant la côte Pacifique. Et d’abord en suivant le cours de la Columbia River, empruntée jadis, au début du 19ème siècle, par les pionniers. Et en particulier, par les “voyageurs” canadiens d’origine française, pour construire le premier Fort de la côte ouest, Fort Astoria.
Aujourd’hui, la Columbia sert au trafic commercial avec l’Asie, si l’on en juge par les porte-containers Toyota ou Hyundai (et même Michelin). Les industries (bois, papier …) fleurissent au bord de ce fleuve historique. Étrange : beaucoup de ces usines ont l’air abandonnées, rouillées …
Après Saint Helens, la route devient plus étroite, bucolique, tranquille. Un joli lac … bordé par une centrale nucléaire. Le calme n’était qu’apparent.
La route nous ramène au bord de la Columbia, rivière décidément très industrielle, bordée de grues et de cargos en attente de chargement. Dans un paysage néanmoins majestueux de hauts sapins, que nous admirons depuis un “view point”  aménagé, avec tables en bois pour le pic-nic. L’air, léger et doux, sent la fraise des bois. Un mobile-home est installé là, où vit un marginal, tranquille, entouré de ses possessions plus ou moins rouillées.
Étonnant le nombre de ces pauvres maisons légères posées dans les prés qui sont toujours entourées d’un bric à brac hétéroclite - vieilles voitures, vieux outils … - et toujours rouillés ! A quoi ça peut bien leur servir ? C’est toujours la question que je me pose …
Nous sommes sur le chemin emprunté par Lewis et Clark, les premiers explorateurs de l’Ouest américain, au tout début du 19ème siècle. Les  premiers occupants furent germaniques ou suédois, si j’en juge par les noms et par le style scandinave des maisons. Sur le bas-côté, un piéton avec un grand sac-poubelle à la main : voila donc à l’oeuvre ce fameux sens civique qui fait participer le citoyen à l’entretien des routes. Bénévolement, bien sûr.
La John Day River, du nom d’un jeune pionnier écossais qui s’est suicidé, ayant trop souffert de privations. L’occasion de se souvenir de ces premiers américains qui ont fait  parfois le sacrifice de leur vie.
 
D’ailleurs, nous arrivons à Astoria, aujourd’hui petite ville côtière qui regarde passer les cargos en route pour le Pacifique. Quant au vieux Fort Astoria que je m’imaginais conservé, il n’en reste rien, rien du tout. M. photographie seulement un vieux tramway bien conservé.

La Nissan devant l'industrielle Columbia River, … le vieux tramway d'Astoria, … un cargo en partance pour l'Asie

C’est sur un immense pont métallique vert que nous franchirons le bras de mer, direction l’état de Washington.
D’abord surélevé pour laisser passer les cargos, le pont descend ensuite au ras de l’eau : impressionnant, surtout qu’il n’est pas tout jeune.

Le pont métallique sur la Columbia,… Lewis et Clarck, premiers explorateurs… un totem indien

Pour saluer notre arrivée dans “the evergreen state”, la pluie se met à tomber. On s’y attendait !
Nous empruntons la “Pacific coast scenic byway”, qui longe l’Océan. Une route tranquille, quelque peu mélancolique sous la pluie. Un site historique où Lewis et Clarck ont campé, une vieille public school de 1825 abandonnée, à Chinook.
South Bend, son énorme Court House de 1930, son totem indien, et son sculpteur Raymond qui dissémine partout dans le paysage ses animaux et personnages découpés dans du métal.

Revoilà la forêt, taillée par tronçon. A Aberdeen, une gigantesque sawmill (scierie) qui affiche son “timber.com”. Ici, le coin est plutôt “british”, il y a même un “Devonshire”.
L’état de Washington est tel que je l’imaginais : sapins exubérants, hauts et touffus, herbes blanches.
Un concessionnaire Ford gardé par un Superman gonflable de trois mètres de haut.
Notre petite route “scenic” devient une deux fois deux voies parfaitement dessinée, large comme une autoroute française. Le soleil couchant éclaire les frondaisons et dore les herbes blondes. Un original en pick-up agrémenté de roues de camion, monstrueuses de largeur et de hauteur : ravissant. Et sûrement utile !
Tiens, encore un allumé, celui-ci a dû faire faire sa voiture sur mesure : un engin de sport rouge, au ras de la route, tellement bas qu’on dirait un jouet. Unique, c’est sûr !
Motel à Tacoma, dans la banlieue de Seattle.

Dimanche 17

Il fait gris, ce matin pour notre journée à Seatlle. Après une bonne “ham and cheese omelett”, nous empruntons l’Interstate 5 au revêtement tressautant.  Bon trafic pour un dimanche. “Entering Seattle”, avec un premier aperçu de ses buildings dont le sommet se perd dans la brume. A gauche, le port et ses grues oranges. Jolie vue, je sens que cette ville va me plaire.
Sortie 165, dans Seneca Street. Il faut se tordre le cou pour apercevoir le somme de ces tours de verre.
 

Seattle par beau temps  :   ses buildings audacieux, … ses immeubles de briques décorés   …                           … et la Space Needle

Les rues de Seattle sont en pente, mais très larges, les buildings très hauts mais espacés, anciens et modernes se côtoyant.

Un centre-ville qui a du caractère. Pas trop de circulation, places de parking faciles à trouver - et gratuites. Nous partons à pied, en commençant par la Space Needle, cette Tour Eiffel moderne pour touristes : on se contentera d’une photo, refusant de payer 16 dollars pour prendre un ascenseur !
Par contre, empruntons le monorail, (5 dollars à deux AR) qui nous mène dans le centre, avec une vue plongeante sur la ville.
Du terminus, sur la 5ème Avenue, nous voila parti pour … 5 heures de marche. Coup de foudre pour cette ville américaine, avec son Market couvert à l’européenne, mais sur plusieurs niveaux, avec marchands de fruits et légumes, et boutiques variées.
Des escaliers descendent jusqu’au Water Front, avec son quai en planches, ses cafés, ses brocantes. Un peu comme le Pier 39 de San Francisco mais en nettement moins touristique. Nous remontons ensuite pour un tour dans le quartier des grands magasins : belles rues très larges, aérées, presque sans voitures. Hauts buildings sombres vertigineux, dont certains très audacieux.
Vieux immeubles de briques des années 30, anciens cinémas, grands magasins de style art déco, ou hyper-moderne comme le Temple dédié à Nike, ou encore ce Palais du jouet sur trois étages. Sans oublier cette boutique Kitschissime destinée à La Femme, où l’on est accueilli par une Dame au sourire perpétuel, et où l’on admire des fringues de Mémères enrichies au son d’une guitare live : devant ces sacs au crochet et ces jupes-sacs à Bobonnes, j’en attraperais un fou-rire mémorable.
Moderne, aérée, calme, élégante, agréable : c’est le souvenir que je garderais de la ville de Seattle. En plus, par chance, il faisait beau.
Nous quittons Seattle, encore embellie par le soleil couchant, pour aller dîner … chez Mac Do, vite fait-bien fait.

Lundi 18

Aujourd’hui, direction Coeur d’Alene, dans le nord de l’Idaho, par  le chemin des écoliers. Par la 18, une “petite” route qui s’avère de la taille d’un autoroute. Avant de se réduire à deux voies bordées de majestueux sapins verts (au moins 30 mètres de haut), dont un léger brouillard estompe les cimes. De nouveau, l’Interstate, extra-large, qui taille sa route à travers un paysage nordique, massifs rocheux couverts de sapins sombres, talus en herbes blondes. Une voiture tous les 50 mètres, no stress. Nous montons vers le Snoqualmie Summit, une région de ski. L’air est vif, il se met à pleuvoir, ce qui devait arriver dans cet état “toujours vert”.
Un lac artificiel, immense, en partie à sec, dans un site gigantesque de montagnes et forêts. Soudain, un timide rayon de soleil réchauffe ce paysage très  “Twin Peaks”.
Sur la 970, joli route au décor parsemé de sapins, ranches en bois brun-rouge. Une région peu peuplée : seules quelques boites aux lettres, regroupées au bord de la route, signalent la présence d’habitations. Une zone de “ski crossing” (ski de fond) puis, soudain, une riante vallée où coule une rivière scintillante et où poussent … les arbres fruitiers. Pommes, pêches, poires … se récoltent sur un sol qui semble bien sec.
 

Le Village de Pionniers de Cashemere : ses cabanes en rondin, ses costumes d'époque, et une vieille affiche 
WANTED, DEAD OR ALIVE


A Cashmere, nous visitons un “Pionnier village”, une vingtaine de cabanes en rondins reconstituées, avec leurs meubles, dans un pré verdoyant : il y a là l’école, l’hôtel, la prison, l’épicerie, la poste … Et même quelques figurants en costumes d’époque.

En face, un “supermarché” de la brocante tenu par une business woman : Annie Apple (au nom prédestiné dans cette région de vergers) est une grande blonde qui connait Chamonix et l’Alsace … mais surtout son intérêt en affaires. Cependant, c’est pas avec nous qu’elle va faire fortune, on lui achète seulement deux minuscules personnages publicitaires (M&Ms) à 35 cents l’un - le reste étant hors de prix !
Sur la route 2, qui longe la Wenatchee River entre des collines pelées. Soudain, la rivière fait une boucle, s’étirant dans une vaste plaine plantée d’arbres fruitiers. Puis reviennent les herbes blondes sauvages, les buissons de sauge gris et d’impressionnants rochers surplombant la Wenatchee. A Orondo, l’air sent la pomme : il s’agit de la “red classic”, selon une publicité.
Puis la route s’éloigne de la rivière et de ses vergers pour monter sur un vaste plateau où pousse le blé. C’est Waterville, 900 mètres d’altitude : nous entrons dans un “General Store” daté au dessus de la porte de 1904. Surprise : l’intérieur est lui aussi  d’époque, avec une ancienne fontaine à soda, un vieux bar et ses tabourets chromés … Rarissime aux Etats-Unis, où on préfère le neuf au vieux.
 
Les propriétaires du Douglas Store sont également hors normes : Lee et Sandi Nelson connaissent l’Europe, et en particulier l’Allemagne pour avoir vécu deux ans en Bavière. C’était à l’époque où Lee était militaire : on l’imagine mal en uniforme, avec ses cheveux en l’air, son air de planer et son humour. Nous bavardons tout en dégustant une glace au moka - énorme et par ailleurs excellente. Ils sont réputés dans le voisinage pour leurs “ice-creams” aux 14 parfums.
Sympathiques et détendus, voila des Américains équilibrés, non sur-vitaminés comme dans les villes. Mais pas débranchés, puisque Sandi, au lieu de son adresse, me donnera … son e-mail.

Ils ont l’air d’être parfaitement heureux dans ce coin tranquille, où il fait très froid l’hiver. Même si, “plus loin, il n’y a rien” selon Sandi.
En effet, il n’y a pas grand-chose, si ce n’est ce grandiose paysage sauvage et désertique dont je ne me lasse pas. Une route rectiligne qui ondule à l’infini, balayée par un vent doux mais fort. Tiens, une haie pour abriter une ferme du vent : mais c’est habité. Et d’ailleurs, ce sont des champs de blés cultivés. Juste interrompus par un canyon de roches grises. Avant que les champs ne reprennent.  Un farmer sur son “petit” engin agricole.
 

 Dry Falls Lake, état de Washington

A Coulee City,  voici le “Dry Falls dam”, un barrage sur un immense lac entouré de roches volcaniques noires, que nous a recommandé Sandi : mérite quelques photos. Surtout dans le soleil rasant qui dore la prairie.
Bientôt, le soleil se couche, boule de feu dans le rétroviseur, allongeant l’ombre de la voiture sur la prairie.
Nous arrivons de nuit à Coeur d’Alene, à la frontière de l’ Idaho. Pour clore cette bonne journée, nous mangeons chez Perkins un “cajun chicken”, plat de poulet Cajun très épicé : enfin quelque chose de bon à se mettre sous la dent. 

A une table près de nous, quatre jeunes Français discutent cinéma américain. Quand nous quittons le restaurant à son heure de fermeture (23 heures), ils seront bons derniers, encore attablés, réunis par une convivialité très française, qui n’existe pas ici.
Les Américains mangent vite, comme pour se débarrasser d’une corvée : voici une bonne illustration de nos différences culturelles.

Mardi 19

Soleil doux ce matin, pour quelques courses dans un “Outlet” (magasins d’usine regroupés sur un vaste site avec immense parking). Puis direction Missoula, Montana, par les petites routes, comme cette 95 qui “monte” vers la province de l’Alberta, au Canada. Un piéton, debout au carrefour : le pauvre, comme nous compatissons ! Cependant, le drapeau américain flotte sur une grue de chantier : tout va bien, l’Amérique reste fière d’elle-même.
Le nord de l’Idaho est un pays de ranches, de fermes en bois rouge de style scandinave et de sapins bas. Le lac “Pend Oreille” (texto), immense, niché dans les collines boisées.
Des travaux gigantesques sur la 95 : on la refait à neuf, alors qu’elle nous parait déjà parfaite. L’air sent le sapin. Sand Point, au bord du lac, la petite ville western typique. Le facteur au volant d’une Ford Bronco 4x4, distribue le courrier sans sortir de voiture.
Sur la route 2, qui file vers l’est, nous atteignons un vaste plateau cerné de montagnes boisées. Un panneau “Overlook”  nous conduit sur une aire de repos avec vue sur un pont, suspendu au dessus de la Kootenai River : une table en bois, un rayon de soleil perçant le sous-bois, personne à l’horizon … Endroit idyllique pour un pic-nic.
Bientôt dans le Montana, où nous avançons nos montres d’une heure, l’heure des montagnes ( “Mountain time zone”).
Juste quelques maisons isolées, habitées par des individualistes au caractère forcément bien trempé. La route 2 longe la rivière Kootenai scintillante. On ne croise que de temps en temps un pick-up, un truck ou une vieille américaine. Pas de frimeurs ni de gros capitalistes dans ces coins perdus !
A Troy, c’est l’heure de la sortie des classes : le school bus jaune dépose ses gamins en jean et sacs à dos sur le pas de la porte de leurs parents. Délinquance scolaire, connait pas, à mon avis.
La vallée s’élargit à Libby. Un vendeur de ski-doo (moto des neiges), un constructeur de “log home” (maisons en rondins) et un sculpteur sur bois animalier : c’est le Montana !
Un doux dingue est assis au bord de la route, les deux bras levés : pour lui faire plaisir, M. lui fait le signe de Victoire !
L’air est doux et léger dans ce merveilleux paysage de montagne. Le grand ciel du Montana déploie ses énormes nuages blancs cotonneux, bordés de lumière. Vertes prairies, sapins de toutes tailles étagés sur les collines. La route est à nous.
Des biches et cerfs en plastique trônent sur la verte pelouse d’une belle maison. Deux totems indiquent l’entrée d’un ranch. Si aujourd’hui, le “fire danger” est “moderate”, nous entrons dans une zone qui a brûlé précédemment. Des collines entières sont noires, avec déjà quelques jeunes pousses vert-tendre.
Un gros corbeau noir s’envole, une biche dans l’herbe blonde nous fait admirer son joli derrière. Le Thompson Lake, perdu au milieu des sapins drus, puis le Mac Gregor Lake, sur lequel le soleil jette enfin un timide rayon.
C’est le pays des bûcherons et des cow-boys. Le bled de Marion, trois maisons. D’autres sont cachées dans les alentours, si l’on en croit les boites aux lettres avancées au bord de routes en terre.
Kalispell, au pied d’une énorme barre rocheuse, ses immeubles western datés de 1900, son église presbytérienne imposante.
Sortant de son vieux pick-up, un individualiste du Montana : énorme barbe broussailleuse, cheveux longs sous un chapeau de cow-boy noir, vieux jean rapiécé et chemise à carreau rouge. Souriant et bonhomme. Hors des modes et loin de la “mondialisation”, il a l’air content de son sort.
Sur la route 93, direction sud. Voici le Flathead Lake, mer intérieure bordée de hautes montagnes nues d’un côté, de prairies blondes de l’autre. Un petit port, une “plage” minuscule  sur laquelle nous faisons quelques pas. Mais vu le vent glacial qui souffle (57F), je n’ose imaginer s’il existe une saison où on peut se baigner.
Paradisiaque, ce site pour amoureux de la nature. Également merveilleuse, la route bien large totalement déserte, où l’on fonce à 120 kilomètres/heure. Soudain, une vaste plaine blonde parsemées de petites maisons. En arrière plan, une barre rocheuse bleutée dont les sommets rosissent au soleil rasant. C’est Polson, au bord du lac Flathead, d’où nous contemplerons le coucher du soleil, sans un mot … L’eau est verte, les montagnes bleues et roses, les herbes jaunes d’or. J’aime le Montana.
Encore une heure de route, avant d’arriver, à la nuit tombée, à Missoula.

Le merveilleux Flathead Lake au soleil
couchant

Mercredi 20

Froid glaçant ce matin sur Missoula, au coeur des Rocheuses. On dirait que l’hiver est là. Après une déjeuner bien calorique (avec “bratwurst”), chez 4B’s, nous traversons cette ville de caractère cernée de collines pelées. Ciel gris, temps froid (49F). Après quelques courses chez Wal-Mart, où un vieux distribue les caddies (obligé de travailler, à son âge ?), nous voici sur la 93 south, à travers la Vallée de la Bitterroot, celle-là même qui a flambé en cet été 2000.
- “Merci aux pompiers”, indique un panneau à l’entrée de la petite ville de Florence. Un village de retraités, (“retirement village”), des ranches en bois brun entourés de clôture en barbelés, une scierie, une gun-shop, plusieurs casinos (prononcer “quéssino”).  Un “Never sweet Ranch” (je me la coule douce ?).
 

Les "mail-boxes" regroupés au bord des routes et la vallée de la Bitterroot qui a brûlé 
en cet été 2000

La Bitterroot, une large vallée entre deux chaînes de hautes montagnes. A Darby, le postier nous affirme que l’hiver n’est pas si froid (2°). Dans un jardin, 4 tipis et 3 indiens … en plastique !
Après Darby, voici les premières traces d’incendie : une maison, sa pelouse verdoyante, à la limite de laquelle la forêt a brûlé. Ils ont eu chaud.
On peut suivre le parcours du feu, qui a léché les collines roussies, carbonisé quelques arbres dont il reste des troncs noircis, sauté, stoppé devant les prés arrosés par la Bitterroot River.

La route monte vers le col du Lost Trail, qui fait frontière avec l’Idaho. Redescend en  larges lacets dans la vallée de la Salmon River. Nous sommes de nouveau sur le chemin emprunté par Lewis et Clarck : il reste des traces de l’ancienne route tracé par les pionniers, ainsi qu’un site de village de chercheurs d’or, Gibbonsville, qui a “produit deux millions de dollars en or”.
“Dénoncez les conducteurs ivres”, nous incite l’état de l’Idaho.
Les mêmes maisons en bois que dans le Montana, mais souvent en bois plus clair.
Nous entrons dans un canyon de collines rocheuses roses et beiges, les rares arbres se concentrant autour de la Salmon River. La vallée s’élargit en arrivant sur un plateau cultivé, entouré de collines désertiques et, plus loin, de hautes montagnes bleutées.
Salmon, à l’emplacement d’un ancien Trading Post (poste de commerce des fourrures) : juste quelques maisons mais plusieurs “internet acces”.
Sur la route 28, nous franchissons le 45ème parallèle, à “mi-chemin entre l’Equateur et le Pôle Nord”.
Apparition de buttes et mesas (“tables” en espagnol) rocheuses. Un Ranch du Nid d’Aigle, des vaches noires et brunes et même quelques moutons dans les prés jaunes-verts. Sur fond de ciel cotonneux  troué de bleu.
Leadore, un bled peu à l’étroit sur ce gigantesque plateau … qui s’élargit encore, jusqu’à perte de vue. Je tente une photo de ces grands espaces, tout en sachant que c’est impossible à rendre sur pellicule.
Vers le soir, le ciel se dégage, le soleil dorant la prairie où ne poussent plus que des touffes de buissons gris sur une herbe rose et blonde … et quelques cailloux.
Après le Gilmore Summit, à 2400 mètres, point culminant du plateau, la 28 emprunte le chemin des Indiens “Nez Percés” (en français dans le texte), quasi déserte à cette heure.
Un troupeau d’une centaine de vaches, et quelques mustangs bruns élancés, nous prouvent que la région est habitée. Même si très peu, comme à Lone Pine : une maison, un café … mais le drapeau américain flottant au vent.
Encore une cinquantaine de kilomètres de “désert”, plat, inhabité, interrompu seulement par quelques buttes arrondies comme des fesses potelées.
Soudain, un énorme truck aux chromes rutilants dans le rétroviseur, qui bientôt … nous doublera, alors que nous sommes déjà au-delà de la vitesse autorisée !
A la tombée de la nuit, retour à la civilisation et aux champs cultivés : voici Mud Lake, 179 habitants.
J’adore cette expérience des “déserts américains” : on ressent le frisson de la solitude, tandis qu’on prie pour ne pas tomber en panne d’essence au milieu de nulle part.
 
Enfin, un bled, une vieille station-service (pour 8 dollars, nous avons le réservoir à moitié plein !), et - bonne idée publicitaire - trois “bouteilles” de Coke peintes sur des réservoirs cylindriques.
Le coucher de soleil dure des heures sur cet horizon si plat … jusqu’à Idaho Falls, où M. fait le plein chez Exxon sous un ciel encore somptueusement rougeoyant.
Ce soir, nous dînerons chez Mac Do, le “Family Restaurant” du coin ayant un accueil trop rébarbatif : ça choque ici car c’est rarissime.
En effet, la patronne, moustaches et queue de cheval grise négligée, nous indique notre place du menton, en faisant la gueule - à moins que ce ne soit son air naturel.

Habitués que nous sommes à être accueillis avec le sourire et conduits à notre place, comme il est de règle partout, nous tournons les talons aussi sec. En espérant bien l’avoir vexé : mais à mon avis, elle s’en fout royalement !

Jeudi 21

Au petit déjeuner, la serveuse du JB’s, qui rigole toutes les trois minutes en exhibant ses dents chevalines, nous demande ce qu’on vient faire dans ce trou perdu. C’est vrai que la région d’Idaho Falls est agricole et les gens “rustiques”, pour le dire gentiment. Leur unique souci semble être un manque de places de parking.
Bientôt, nous voila en route pour “Craters of the moon National Monument”, à travers les grands espaces blonds de l’Idaho. Déjà, apparaisse les premières formations volcaniques, blocs de roches noires comme tombés du ciel, et, au loin, trois Buttes noires  “récentes”, formées de basalte dur, annonce un panneau : elle datent de 600.000 ans !
Plus tard, suivant un autre panneau indiquant “historical marker”, nous atterrirons … devant un centre de stockage de déchets radioactifs !!
A l’approche du Parc, le paysage est un désert de terre nue où ne poussent plus rien du tout, sauf des cailloux. Attention, voici une zone de “sand dust” (poussière de sable), où les vents balaient le sable sur la route.
Ensuite, retour à la végétation, aux fermes et champs cultivés. Butte City, 59 habitants. Arco et ses motels à l’abandon. Des ballots de foin sont empilés “à l’américaine”, c’est à dire formant un mur jusqu’au ciel. “Think big” !
Sous un ciel gris très bas, apparaissent les premières formations volcaniques noires, parsemées de buissons gris-verts.
 

Craters of the Moon : une petite fleur jaune et quelques touffes d'arbustes s'accrochent au basalte noir 

Nous arrivons à Craters of the Moon National Park (4 dollars l’entrée), dont le slogan pourrait être “black is black”. Premier “scenic overlook” (point de vue pittoresque) sur le Noir - sable noir au sol, roches poreuses noires, coulées de laves noires, cônes de cendres noirs - agrémenté de rares buissons.
Toute seule dans ce Noir, pousse une petite fleur jaune.
Malgré le froid mordant, la pluie glaciale et bientôt les grêlons, nous empruntons tous les sentiers, vêtus plus chaudement qu’en plein hiver à Nice.

Des sentiers comme toujours pédagogiques autant qu’écologiques : où l’on apprendra que ce site, jadis terrain de chasse des indiens Shoshones, est entré en éruption il y a 15.000 ans et s’est éteint voici seulement deux mille ans. Pas un unique volcan mais plusieurs fissures ou crevasses par où la lave sortait, laissant derrière elle des cônes aux formes torturées, des tunnels, grottes, et autres “bombes” .
Des arbres aux branches affreusement tordues rongés par des parasites, un jardin de cendres, un Grand Cratère, un cône de l’Enfer, et un Tunnel de l’Indien.
Gelés et trempés certes, mais contents d’avoir exploré ce Parc d’une noire beauté. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’Américains, surtout les femmes, qui restent les fesses collées aux sièges de leurs voitures trop confortables. Seul parfois leur courageux mari ose mettre le nez dehors quelques minutes, histoire de ramener une photo-souvenir.
Juste pour me contredire, voici qu’arrive une bande de filles héroïques sur leurs VTT de course. Sous la pluie glacée, elles pédalent avec vigueur, en file indienne, muscles saillant sous leurs combinaisons fluos de compétition.
C’est au moment de quitter le Parc que le ciel semble vouloir se dégager, bien sûr. Le paysage est  plus  “scenic” que jamais, le noir des champs de lave faisant chanter le jaune de l’herbe et le gris des buissons de sauge. Entre deux “lava beds”, des champs cultivés. Pas un arbre, ou alors bien solitaire. Carey, 500 habitants, et presque autant de pelouses verdoyantes copieusement arrosées au jet. Après Shoshone, 1359 habitants, retour de la prairie désertique, inculte mais tellement belle à regarder, sous le soleil.
C’est la plaine de la Snake River, rivière verte au fond d’un canyon que nous franchissons pour arriver à Twin Falls.
Avec ses 32.000 habitants, Twin Falls est une ville tranquille qui s’étire à l’aise dans la plaine, propre, parfaitement écolo, cernée de magasins gigantesques et de non moins gigantesques pelouses.
Tiens, un camion de pompier devant  l’accueil de notre Motel 6. Il y a le feu ?
Bizzare, un peu plus tard, nous retrouvons cet énorme camion chromé muni de sa grande échelle … garé sur le parking. M., intéressé par l’engin, veut aller l’examiner de prêt : il en voit descendre … un retraité à casquette rouge, ses valises à la main, qui se dirige vers sa chambre.
Gamin, il devait rêver d’être pompier … L’Amérique permet apparemment de réaliser ses rêves en grandeur nature !

Vendredi 22

Ce matin, nous restons à Twin Falls. Le Visitor Center nous apprend qu’il ne faut pas rater les Shoshone Falls, sur la Snake River : les “chutes du Niagara de l’Ouest”, “plus hautes de 16 mètres que celles du Niagara” (soit 70 mètres de haut). Par un vent glacial (il fait 9° !), nous paierons 3 dollars pour admirer ces chutes d’eau certes écumeuses. Mais c’est surtout le site qui est à couper le souffle …

La Snake River à Twin Falls, Idaho : un vieux pont  métallique  … et les Shoshones Falls, plus hautes de 16 mètres que celles du Niagara

un profond canyon de roches grises et noires au fond duquel coule la verte Rivière du Serpent.

Vite, remontons en voiture, au chaud, pour poursuivre notre périple à travers la Prairie aride, de plus en plus désertique à l’approche du Nevada.
A la frontière du “Silver State”, la ville de Jackpot annonce la couleur. Bienvenue dans l’empire du Jeux et des Casinos.
Le Nevada ou comment réussir à faire de l’argent au milieu du désert.
Un désert sauvage, montagneux, rocailleux, buissonneux, sableux. Sans aucune monotonie, au contraire, une variété incroyable de buttes rondes et carrées ou de mamelons ronds et pointus parsemés d’herbe blanche et rose. Rien à voir avec les dunes du Sahara. D’autant plus qu’il tombe toujours une pluie sinistre et glaciale.
Un ranch, quelques vaches, noires, des chevaux … et pour seul décor, les pylônes électriques plantés sur les collines.
L’image qu’il me reste du Nevada ? Les couleurs délirantes des rares buissons et herbes rases : rose-orange, jaune-or, vert-gris, gris-jaune. Toutes les nuances de blanc du sol sableux. En arrière-plan, le gris-bleu-rosé des montagnes. Et cette hallucinante odeur de sauge : forte, entêtante, sauvage.
Wells, sa station-service Chevron, son “barber shop”. Elko, ses casinos à gogo et ses joueurs venus en autocar. Comme cette vieille dame malade, qui tient à peine debout. Portée à bout de bras par une plus jeune, elle veut aller jouer, encore une fois. Et elle y va, lentement mais sûrement … Vers l’immortalité ?
Quant à nous, un peu de shopping dans un Albertson nous tiendra lieu de drogue !
Retour sur l’interstate 80, dans un paysage toujours tourmenté aux couleurs éclatantes.
Les autoroutes américaines : larges, parfaitement entretenues, tapis de velours au marquage bien blanc, virages relevés dans le bon sens, intégrées au paysage … Je crois être en mesure d’en témoigner … après des dizaines de milliers de kilomètres d’est en ouest et du nord au sud en 5 ans ! Qu’on ne me parle plus des “infrastructures déliquescentes”, OK ?
Emigrant, huit maisons. Winnemuca, où parait-il, “Butch Cassidy est devenu riche : pourquoi pas vous ?” …
Pour notre part, nous n’irons pas jouer, seulement nous coucher, après 500 bornes de route !

Samedi 23

Le soleil est de retour mais l’air toujours aussi vif. Nous apprenons que, deux jours auparavant, il faisait presque 30° !
Pour aller déjeuner chez Denny’s, il faut traverser … un immense salon de machines à sous cliquetantes. Habile tentation … De bon matin, les joueurs sont déjà nombreux. Ainsi, cette grosse baleine accompagnée de ses parents, qui n’arrive à s’asseoir que de biais tellement elle déborde de son tabouret. Mais ça ne l’empêche pas de jouer …
Retour sur l’I 80, direction Reno, Nevada. Le même paysage qu’hier, mais encore plus éclatant sous le soleil. Enfin, de l’eau : le Rye Patch Dam, est un barrage sur une rivière verte. C’est beau mais il fait toujours très froid pour un mois de septembre.
Après  “Toulon” et ses trois (ou quatre ?) habitants, nous entrons dans le Forty Miles Desert, une portion de désert meurtrier, du moins à l’époque des émigrants. Au milieu du 19ème siècle, ils furent plus de 900 à mourir de soif dans cette fournaise. Le bled de Hot Springs, qui possède vraiment des sources chaudes naturelles qu’on voit fumer au loin. Attention aux “forts vents traversants”. Bref, une contrée inhospitalière. Bien que très belle à regarder depuis sa moderne voiture climatisée.
Très peu habitée, la région ne comptent que quelques baraques déglinguées, entourées de ces mêmes camions et outils rouillés qui m’interpellent !
A Fernley, une cimenterie. Au bord de la Truckee River, un ensemble de maisons coquettes sous les arbres.
Aux abords de Reno, des publicités agressives vous invitent à “venir jouer avec nous”. Reno, au fond d’une cuvette cernée de montagnes pelées : son lac artificiel, ses vergers plantés dans le sable, son énorme hôtel Hilton. Et son gigantesque concessionnaire Harley Davidson : on comprendra bien vite pourquoi !
Tiens, le samedi est le jour de sortie des motards : cloutés-frangés-en Harley, on dirait qu’ils sortent de tous les coins de l’horizon. Il faut dire qu’il fait beau et chaud aujourd’hui : on les envierait presque.
Sauf qu’ils sont trop nombreux : à deux mais plus souvent à 3, à 5, à 20, ils sont partout. Quand 30 motards en cuir noir clouté attendent pour faire le plein, vous êtes en minorité avec votre grosse voiture : ils passeront d’abord.
Je n’ai pas dit qu’ils avaient l’air méchants : la plupart sont plutôt du style bedonnant,  ventre moulé dans leur blouson ajusté, franges au vent mais avec sa Chérie derrière.
Il faudra attendre la tombée de la nuit pour voir leur nombre diminuer. Oui, aujourd’hui c’était le “Bikers’day” et je suis ravie d’avoir vu ça !
Peu intéressés par Reno et ses casinos, nous visiterons par contre Carson City, la capitale du Nevada toute proche, une petite ville tranquille comportant de nombreux monuments historiques … du moins à l’échelle américaine : des maisons datant de la fin du 19ème siècle. Là, personne, aucun touriste, aucun bruit, si ce n’est  le vrombissement des Harley dans le lointain.
 

Le  somptueux lac Tahoe … et deux bikers

Puis nous empruntons la route “scenic” menant au Tahoe Lake, qui fait frontière avec la Californie. Un paysage de montagnes verdoyantes jusqu’au Spooner Summit (2500 mètres d’altitude). De l’autre côté, le gigantesque lac Tahoe, noyé sous les pins d’altitude. Très fréquenté mais vraiment merveilleux, ce lac aux plages de sable blanc. Mais je ne pense pas qu’on s’y baigne, c’est plutôt une région de ski.
Mal inspirés, nous quittons le bord du lac pour éviter un bouchon … ce qui nous obligera à faire une détour de cent kilomètres … Encore une route de montagnes, un col, retour vers Reno, avant de reprendre le bon chemin, l’I 80 vers Sacramento.

A la frontière avec la Californie, un  … poste de douane ? Non, mais une guérite où on nous demande d’où on vient. C’est un contrôle du département de l’agriculture ???
Il est vrai que les Californiens sont persuadés d’être l’élite de la nation. Sans doute aimeraient-ils une vraie frontière ?
Sur un parking, débarque une bande de jeunes, de sortie en ce samedi soir … Non, pas en “mob” comme chez nous, ni même en Golf GTI trafiquée, mais … en coupés-sport japonais derniers modèles.
C’est à qui aura le pantalon le plus large, le plus long, et le crâne le plus rasé. Et à qui hurlera le plus fort. Bourré d’une énergie multi-vitaminée, l’un d’eux s’éjecte de sa Honda Prélude en un bond, avant de rebondir comme un Marsupilami sur le mobilier urbain. Et sans se prendre les pieds dans son jean 5 tailles trop grand : bravo, l’artiste !
C’est à la nuit noire que nous arrivons à notre motel de Woodland, près de Sacramento.

 Dimanche 24

J’avais prévu la matinée à Sacramento, capitale de la Californie, mais, au vu des brochures présentant le “old Sacramento”, nous sommes rebutés par cette machinerie touristique. Nous décidons de passer notre dernière journée au bord du Pacifique.
Ce qui se révélera une bonne idée - sauf que l’Océan se mérite. Pour l’atteindre, il nous faut traverser la Baie de San Francisco : deux heures et demi de route pour 120 petits kilomètres !
L’occasion de constater que les interstates ne désemplissent jamais, même le dimanche. Collines pelées jaunes, arbres rabougris pour le paysage. Zones industrielles, usines fumantes. Néo-villages flambant neufs, protégés d’une enceinte : on dirait que c’est à la mode ici, ces ensembles de maisons “clichés”, avec un toit en tuile, une cheminée. Encore un autre cliché californien : deux jeunes blondes en cabriolet chic.
Dans la Silicon Valley, on travaille le dimanche, vu le nombre de voitures qui sillonne cette autoroute à deux fois 5 voies. Peut-être vont-ils chez Apple, dont voici le siège, agrémenté sur la façade d’une photo gigantesque du barbu Steve Wosniack, co-fondateur avec Steve Jobs.
Enfin, nous sortons sur la route 92, direction l’Océan. Mais apparemment, on n’est pas les seuls à avoir eu cette idée : la 92 bouchonne du haut de la colline jusqu’à la mer .
Affolé, M. se voit déjà ratant l’avion, malgré les 5 heures qui nous restent : car, avec notre chance …
Ce n’est rien, seulement  “45 minutes de bouchon”, tente de le rassurer un habitué résigné. En fait, il a raison.
 

 Plages du Pacifique au sud de San Francisco


Juste un peu de patience et, enfin, on pourra fouler, pieds nus, une magnifique plage de sable blanc très peu fréquentée. Assis sur un tronc d’arbre mort, réchauffés par un doux soleil d’automne, nous profitons de ces instants qui passent trop vite.
Même si l’eau est trop froide pour se baigner (même en été, parait-il), les plages sont belles et sauvages. Un bon point pour la région de San Francisco : malgré ses six millions d’habitants, les plages sont quasiment désertes.

Durant plusieurs heures, nous remonterons vers la ville en longeant la côte. Hautes falaises plongeant vers la mer, plantées de roseaux à longue chevelure jaune, bientôt noyées sous les bancs de brume. La route 1, étroite, monte entre des collines vertes plantées de pins et d’eucalyptus puis plonge dans un canyon de roches rouges. Référence pour les cinéphiles : la poursuite en voiture dans Basic Instinct !
Les collines sont de plus en plus construites en même temps qu’on approche de San Francisco. Pavillons identiques collés les uns aux autres, à la chaîne.
Le lac Merced, joli coin tranquille sous les pins. Avant de retrouver l’interstate, direction l’aéroport SFO.
Au compteur, 5315 kilomètres, soit 480 kilomètres journaliers en moyenne.

                                                                                                        Florence CANARELLI
 
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