CARNET DE VOYAGE / ESPAGNE 2001
Décevante Costa del Sol

Pour le voyage de retour, nous allons traverser cette Andalousie fameuse, tellement renommée sur le plan touristique. Au moins pour en avoir un avant-goût. Quitte à revenir si ça nous plait …
Verdict : à part Granada, "bijou de l'héritage musulman" qu'on a raté, on ne reviendra pas !
 

Mardi 25

C'est le jour du départ de Quarteira, direction l'autoroute pour L'Espagne, pays qui nous a laissé, à l'aller, un bon souvenir. Un magnifique pont suspendu avant la "frontière", et l'autoroute (toujours gratuite) devient "nickel" : bitume noir, double-rail de sécurité, panneaux routiers bien lisibles (de plus grande dimension ?).
Premier contraste avec le Portugal : ici, l'agriculture est intensive, ça se voit à l'oeil nu. Alignements d'arbres fruitiers et de serres, sans le moindre espace laissé en friche. Lope, une "small town" à l'américaine : une rue principale bordée de maisons de un à deux étages, séparées de la route par une allée d'arbres et de pelouse bien verte. Grande activité agricole tournant autour des "frutos" (fruits) : gigantesques entrepôts, ballet de camions …
La terre semble pourtant bien sèche et aride mais apparemment, on en tire la quintessence. La preuve : un canal d'irriguation de bonne taille. D'immense plastiques argentés recouvrent certains champs. L' air devient plus chaud.
Huelva, situé sur un plateau ondulé, aux collines labourées et plantées de chênes-lièges.
Nous décidons de faire un crochet pour aller voir la "playa" (plage). Par une route nationale parfaitement rectiligne. Arrêt à Almonte, où nous déjeunons en terrasse (de "churrasco", porc), sur la place du village, une merveille d'harmonie. Une église blanche discrètement baroque au fond, un parvis ombragé au milieu, des bâtiments d'un blanc éclatant, aux fenêtres dotées de grilles en fer forgé ouvragé noir. L'ensemble donne une impression de perfection, de solidité, de noblesse et de beauté parfaite. Hélas, toujours pas de pellicule !
 
Enfin l'Océan, à la station balnéaire de Matalascarias.
La plage est belle, presque vide, mais les immeubles en bord de mer n'ont pas le charme de l'Algarve : massifs, solides, faits pour durer 1000 ans mais de couleur plutôt austères (bruns). 
L'Océan est tiède, c'est le coin des Anglais.
Bientôt nous reprenons l'autoroute pour Séville, traversant villages blancs, champs labourés, plantations de chênes et d'oliviers en alternance. Retour des "taureaux". 

Un monstrueux Hotel Park crênelé entouré de cars de touristes : nos premiers touristes en nombre. C'est vrai que nous sommes en Andalousie.
Séville, ses forêts de panneaux de publicité, sa "multi factory" à l'américaine, et ses conducteurs excités : on se fera klaxonner trois fois en dix minutes. Et si la Ville rendait fou ?
Fuyons Séville, de toutes façons, pas le temps. Soudain, l'autovia est déserte, nous profitons, cheveux au vent, du paysage, les alignements de chênes formant de jolis dessins au soleil couchant. Un deuxième "taureau" surveille une vallée, entouré de gros mamelons pointus.
 
Au loin, un village blanc niché entre deux hautes "sierras" nous attire l'oeil. Et si on cherchait un hôtel ? 
Archidona nous tend les bras : le premier hôtel à l'entrée, c'est le bon : une grosse bâtisse blanche, aux belles tuiles rondes,  encadrement des portes et fenêtres en brique vernissées, ferroneries noires.
L'hotel Escua, voila une bonne adresse : un jeune patron bourré d'énergie positive, une salle de bain immense au carrelage de haute qualité (et beauté), un bon matelas sans ressort (enfin !)

Après avoir fait un tour dans le village d'Archidona, dont on retiendra une belle Plaza de noble allure, mais rien à manger à part quelques bars pour les jeunes du coin, nous revenons diner au "restaurante" de notre hôtel Escua, où le patron, Luis Cordoba Cano, nous sert, toujours avec le même entrain, deux plats de poisson délicieux, dans un décor très vieille Espagne, boiseries sombres et briques vernissées, sans oublier les jambons entiers qui pendent au dessus du bar.

Mercredi 26

Au petit déj, suspense : mais Luis, encore plus vif que dans la soirée et déjà sur le pont, arrive avec deux jus d'orange, une assiette de charcuterie, deux cafés … sans nous demander notre avis ! Mais on est OK, car tout ça pour 320 francs (chambre et déj) ! Plein d'entrain, il amuse sa petite fille, la promène dans sa poussette et vient même nous la présenter.
Il est 11h30 quand nous quittons à regret cet hôtel si accueillant  (Escua, 2 étoiles, Fax : 952 717 142, Archidona, Malaga), sous un ciel quelque peu maussade. L'air est vif (nous sommes à près de 1000 mètres), dans cette jolie région montagneuse et cultivée à la fois : champs labourés cernés de hautes sierras arides, fermes blanches aux vieilles tuiles roses et brunes, une région de caractère, cette province de Malaga. Qui est d'ailleurs la ville natale de Picasso.
 
Granada, "bijou de l'héritage musulman" parait-il. 
Mais Granada, à première vue, est une grosse ville austère, aux immeubles de briques ou crépis en rose sombre, moutarde avariée ou brun délavé. Bientôt bloqués dans un bouchon, nous cherchons en vain les panneaux pour l'Alhambra … Rien à faire, nous sommes paumés entre les scooters anarchiques, les sens interdits et les impasses. Affreuse ville repoussante … Tirons-nous d'ici. 
Il faudra revenir, quand même, avec un vrai plan.
Voir, à gauche, ce que nous avons raté !
Nous reprenons notre "autovia" toujours aussi parfaite, d'autant que gratuite.

Allons voir cette fameuse Costa del Sol, direction Motril à travers la "Sierra Nevada" mais sans neige, seulement des pics caillouteux. Le plus haut sommet d'Espagne, le Mulhacen, n'est pas loin.
La route est en cours de doublement : les travaux se font en grand, à l'américaine, sur des kilomètres et en entaillant les collines. Des leçons à prendre ici, surtout que le relief n'est pas facile puisque montagneux.
Des chèvres et leurs bergers, un mulet portant une charge, des montagnes arides parsemées de petits villages blancs perchés, c'est aussi ça, l'Andalousie.
Voici Motril, sur la Costa, entre vignes, bananiers et arbres fruitiers. Une petite ville banale, où nous déjeunons, en terrasse, face à un de ces jardins verdoyants dont les Espagnols (comme les Portugais d'ailleurs) ont le secret.
Enfin, la mer Méditerranée mais là, il faut déchanter : des roseaux, quelques barres massives de HLM, sinistres à l'italienne, et des serres sous plastiques entre deux collines pelées.
La route est tortueuse et bientôt, en corniche sur la mer. Mais rien de riant : une triste plage de sable gris, de la rocaille grise et blanche et surtout, une mer de ces plastiques qui massacrent le paysage, déjà austère.
Cette mer de plastique recouvrent-t-elle toute la Costa del Sol ? On dirait une marée malfaisante qui envahit tout, monte sur les collines, grignote chaque centimètre de terrain accessible.
Entre les terrains vagues, les décharges sauvages, les roseaux et les tunnels, on se demande ce que les touristes viennent chercher ici ? 
Le Soleil,  me répond M. !

Pas très riante, la Costa del Sol

Certes, ce doit être un tour de force de faire pousser quoi que ce soit sur cette terre aride. Certes, l'agriculture semble ultra-intensive et moderne, et la région doit décoller sur le plan économique. Je lirais plus tard que l'Andalousie fait pousser les fruits et légumes de l'Europe entière …
Au royaume du plastique . D'ailleurs, voici un "Plastimer"  qui fabrique des bâches et un autre vendeur de "plasticos para la agricultura".
En même temps, une odeur d'engrais abominable, puis, un dépotoir en plein air, à l'approche d'Alméria.
Elle est riante, la Costa del Sol !
Alméria, grosse ville de buildings en bord de mer. Passons. La route monte dans les collines désertiques : juste quelques buissons balayés par le vent  violent … et des lambeaux de plastique.
Dans la Sierra Alhamilha : montagnes sauvages, pelées, où affleurent des rochers parmes. Des faux airs de désert américain. Mais … un village blanc, très beau. Quelques palmiers. Déjà mieux que la Costa del Plasticos !
A Huelca, des "badlands" comme dans le Dakota du Sud. Encore des décharges sauvages : on a visiblement un problème de traitement des déchets, dans ce coin. Il manque aussi des aires de repos avec toilettes : RIEN sur des centaines de kilomètres. Obligés d'aller dans la nature, comme des bêtes …
Voici la province de Murcie, une région plus authentique : une sierra aride de des collines pelées roses et bleues, une vaste plaine habitée. Lorca et ses falaises rouges, violettes et grises. Un château en ruine sur un piton rocheux. Une variété extravagante de formes et de couleurs - très US - juste un peu gâchée par une persistante odeur de merde. Mais faut bien vivre, sans doute, d'autant que l'agriculture est ici plus traditionnelle, équilibrée : en plein air, quoi !
Murcia, grosse ville industrielle qu'on contourne. Direction Alicante, dans un paysage toujours désertique, et en même temps cultivé (arbres, vignes).  Une vaste plaine, "agrémentée" de décharges sauvages.
Alicante à la nuit tombante, vers Villena sous la pluie, à la recherche d'un hôtel. Indiqués depuis l'autovia, ils sont très peu nombreux … et tous complets ! Retournons vers Alicante, sortie à Villa Joyosa, dont le nom m'inspire de l'optimisme. Grave erreur :  nous voila embarqués dans une galère, car la nuit est désormais noire … enfin un panneau annonçant une pension. Pour la trouver, dans les ruelles à sens unique du bled, nous mettrons bien deux heures, en demandant à tous les passants disponibles. Problème : aucun ne parle un mot d'anglais, même pas les jeunes ados sur leur scoot  !
Enfin la pension, où il faut sonner et attendre dix minutes à la porte. La chambre a l'air propre, bien que petite.
Erreur : un énorme cafard nous attend dans la douche. Au secours !
Au compteur de cette journée-galère : 730 kilomètres, dont 100 en trop. Bonne nuit.

Jeudi 27

Vite, un petit déj pour se remonter. Nous trouvons un bistrot propret, avec vue mer, qui nous sert deux cafés et ces fameux "churros", longs beignets un peu gras mais réconfortants.
De jour, Villa Joyosa est plus gaie, surtout sa tranquille Promenade en bord de mer, le long d'une jolie plage de sable, qui plait semble-t-il aux troisième âge à la peau fripé. Beaucoup de Belge et de Français !
Bientôt, nous prenons la route nationale qui longe la mer vers Benidorm : une expérience pour qui aime les "beaufs" bien gras et vulgaires, car ce Hong Kong sur mer (je compte plus de 30 étages aux buildings construits en rangs serrés) les attire, de toute l'Europe. Hollandais, Anglais, Français ou Belges, ce sont les mêmes !
Arrêt sur un parking espagnol :  pas de WC, pas de table de pic-nic, au mieux quelques grands sacs en plastique en guise de poubelle. Comment s'étonner que la nature alentours soit parsemée de déchets et déjections en tous genres. Bonjour les odeurs : incompréhensible, dans un pays par ailleurs aussi propre et rigoureux !?
Avec la mer en arrière plan, se succèdent hangars à shopping, terrains vagues, décharges publiques, cages à touristes déjà décrépites, roseaux, plages ridiculement petites et beaufs en short. J'ai le temps de contempler, vu qu'on roule au pas dans les gaz d'échappement.
 

Enfin un bout de bord de mer sans buldings

Certes, la mer est bleue et le soleil chaud : tu parles d'un paradis, fuyons.
Juste derrière le bord de mer, on retrouve l'Espagne rurale, murs de pierre sèches, arbres fruitiers, et oliviers. Bientôt sur l'autoroute, le paysage redevient plus sauvage, avec ses sierras rondes, carrées ou pointues. A leurs pieds, quelques maisons éparses.
Dans la province de Valencia, une plaine cultivée, un "castillo" et une église en ruine sur des promontoires. Une  brume étrange flotte sur la ville de Valencia (pollution ?). D'énormes travaux routiers sont en cours.

L'Espagne, un pays moderne, la case "écolo" en moins ?
Castello de la Plana, ses fabriques de sanitaires en céramiques et porcelaines. Petite ville sans charme, avec ses grappes d'immeubles neufs élevés, si ce n'est un centre ville avec cathédrale et campanile (en réfection) un peu anciens. Déjeuner en terrasse d'un snack sur la Plaza Major est quand même bien agréable.
Difficile par contre de sortir de Castello, nous errons un moment dans des barres et tours moutardes et brunes délavées peu riantes. Carrefour est là, ainsi qu'Al Campo (Auchan, en espagnol !) et Mc Do.
De nouveau sur l'autoroute, nous contemplons le front de mer bétonné de hautes tours agglutinés. Les Espagnols aimeraient-il vivre en hauteur ?
Quand la route s'éloigne du bord de mer, le paysage redevient  "ouest-américain" aride, mais parsemé de ruines de château sur le moindre piton rocheux.
Voici la Catalogne. Le ciel se couvre au dessus d'une Sierra rocheuse, la région de Barcelone a l'air plus verte, les villages moins blancs. L'autoroute est à péage pour le contournement de Barcelone. Une affreuse banlieue de barres horizontales en brique, et soudain, d'énormes massifs rocheux rouges, roses et gris. Ici, pas de décharges sauvages mais le tri sélectif des déchets, semble-t-il.
Nous sommes bientôt sur la nationale qui monte vers les Pyrénées et la frontière française. Les villages sont beaucoup plus austères, de couleurs sombres. A la recherche d'un hôtel, nous entrons dans la petite ville de Manresa, à la nuit tombée : une impression saisissante d'austérité. En partie construits sur la colline, certains immeubles sont en ruine, les autres d'une dimension tellement imposante et de couleur si sombre que je veux repartir. Cette ville me glace le sang … De toute façon, aucun hôtel à l'horizon.
Après plusieurs essais infructueux - les rares hôtels qui existent sont pleins - enfin, à 22 heures, le majestueux Hotel Park de Puigcerga, (site web hotelparkpuigcerda.com) juste avant la frontière, nous tend les bras. Pour nous, la dernière chambre disponible. Sauvés par le gong !
Même si elle est mansardée, la chambre est parfaite, la salle de bain immense, et à l'accueil, on parle français.
Et le petit déjeuner-buffet du lendemain matin sera pantagruélique. Une adresse à retenir.
Et nous quitterons l'Espagne avec une vraie envie de revenir.

                                                                                                                                                                Florence CANARELLI
 
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