Mardi 25
C'est le jour du départ
de Quarteira, direction l'autoroute pour L'Espagne, pays qui nous a laissé,
à l'aller, un bon souvenir. Un magnifique pont suspendu avant la
"frontière", et l'autoroute (toujours gratuite) devient "nickel"
: bitume noir, double-rail de sécurité, panneaux routiers
bien lisibles (de plus grande dimension ?).
Premier contraste avec
le Portugal : ici, l'agriculture est intensive, ça se voit à
l'oeil nu. Alignements d'arbres fruitiers et de serres, sans le moindre
espace laissé en friche. Lope, une "small town" à l'américaine
: une rue principale bordée de maisons de un à deux étages,
séparées de la route par une allée d'arbres et de
pelouse bien verte. Grande activité agricole tournant autour des
"frutos" (fruits) : gigantesques entrepôts, ballet de camions …
La terre semble pourtant
bien sèche et aride mais apparemment, on en tire la quintessence.
La preuve : un canal d'irriguation de bonne taille. D'immense plastiques
argentés recouvrent certains champs. L' air devient plus chaud.
Huelva, situé sur
un plateau ondulé, aux collines labourées et plantées
de chênes-lièges.
Nous décidons de
faire un crochet pour aller voir la "playa" (plage). Par une route nationale
parfaitement rectiligne. Arrêt à Almonte, où nous déjeunons
en terrasse (de "churrasco", porc), sur la place du village, une merveille
d'harmonie. Une église blanche discrètement baroque au fond,
un parvis ombragé au milieu, des bâtiments d'un blanc éclatant,
aux fenêtres dotées de grilles en fer forgé ouvragé
noir. L'ensemble donne une impression de perfection, de solidité,
de noblesse et de beauté parfaite. Hélas, toujours pas de
pellicule !
Un monstrueux Hotel Park
crênelé entouré de cars de touristes : nos premiers
touristes en nombre. C'est vrai que nous sommes en Andalousie.
Séville, ses forêts
de panneaux de publicité, sa "multi factory" à l'américaine,
et ses conducteurs excités : on se fera klaxonner trois fois en
dix minutes. Et si la Ville rendait fou ?
Fuyons Séville,
de toutes façons, pas le temps. Soudain, l'autovia est déserte,
nous profitons, cheveux au vent, du paysage, les alignements de chênes
formant de jolis dessins au soleil couchant. Un deuxième "taureau"
surveille une vallée, entouré de gros mamelons pointus.
Après avoir fait un tour dans le village d'Archidona, dont on retiendra une belle Plaza de noble allure, mais rien à manger à part quelques bars pour les jeunes du coin, nous revenons diner au "restaurante" de notre hôtel Escua, où le patron, Luis Cordoba Cano, nous sert, toujours avec le même entrain, deux plats de poisson délicieux, dans un décor très vieille Espagne, boiseries sombres et briques vernissées, sans oublier les jambons entiers qui pendent au dessus du bar.
Mercredi 26
Au petit déj, suspense
: mais Luis, encore plus vif que dans la soirée et déjà
sur le pont, arrive avec deux jus d'orange, une assiette de charcuterie,
deux cafés … sans nous demander notre avis ! Mais on est OK, car
tout ça pour 320 francs (chambre et déj) ! Plein d'entrain,
il amuse sa petite fille, la promène dans sa poussette et vient
même nous la présenter.
Il est 11h30 quand nous
quittons à regret cet hôtel si accueillant (Escua, 2
étoiles, Fax : 952 717 142, Archidona, Malaga), sous un ciel quelque
peu maussade. L'air est vif (nous sommes à près de 1000 mètres),
dans cette jolie région montagneuse et cultivée à
la fois : champs labourés cernés de hautes sierras arides,
fermes blanches aux vieilles tuiles roses et brunes, une région
de caractère, cette province de Malaga. Qui est d'ailleurs la ville
natale de Picasso.
![]() |
Granada, "bijou
de l'héritage musulman" parait-il.
Mais Granada, à première vue, est une grosse ville austère, aux immeubles de briques ou crépis en rose sombre, moutarde avariée ou brun délavé. Bientôt bloqués dans un bouchon, nous cherchons en vain les panneaux pour l'Alhambra … Rien à faire, nous sommes paumés entre les scooters anarchiques, les sens interdits et les impasses. Affreuse ville repoussante … Tirons-nous d'ici. Il faudra revenir, quand même, avec un vrai plan. Voir, à gauche, ce que nous avons raté ! Nous reprenons notre "autovia" toujours aussi parfaite, d'autant que gratuite. |
Allons voir cette fameuse
Costa del Sol, direction Motril à travers la "Sierra Nevada" mais
sans neige, seulement des pics caillouteux. Le plus haut sommet d'Espagne,
le Mulhacen, n'est pas loin.
La route est en cours de
doublement : les travaux se font en grand, à l'américaine,
sur des kilomètres et en entaillant les collines. Des leçons
à prendre ici, surtout que le relief n'est pas facile puisque montagneux.
Des chèvres et leurs
bergers, un mulet portant une charge, des montagnes arides parsemées
de petits villages blancs perchés, c'est aussi ça, l'Andalousie.
Voici Motril, sur la Costa,
entre vignes, bananiers et arbres fruitiers. Une petite ville banale, où
nous déjeunons, en terrasse, face à un de ces jardins verdoyants
dont les Espagnols (comme les Portugais d'ailleurs) ont le secret.
Enfin, la mer Méditerranée
mais là, il faut déchanter : des roseaux, quelques barres
massives de HLM, sinistres à l'italienne, et des serres sous plastiques
entre deux collines pelées.
Certes, ce doit être
un tour de force de faire pousser quoi que ce soit sur cette terre aride.
Certes, l'agriculture semble ultra-intensive et moderne, et la région
doit décoller sur le plan économique. Je lirais plus tard
que l'Andalousie fait pousser les fruits et légumes de l'Europe
entière …
Au royaume du plastique
. D'ailleurs, voici un "Plastimer" qui fabrique des bâches
et un autre vendeur de "plasticos para la agricultura".
En même temps, une
odeur d'engrais abominable, puis, un dépotoir en plein air, à
l'approche d'Alméria.
Elle est riante, la Costa
del Sol !
Alméria, grosse
ville de buildings en bord de mer. Passons. La route monte dans les collines
désertiques : juste quelques buissons balayés par le vent
violent … et des lambeaux de plastique.
Dans la Sierra Alhamilha
: montagnes sauvages, pelées, où affleurent des rochers parmes.
Des faux airs de désert américain. Mais … un village blanc,
très beau. Quelques palmiers. Déjà mieux que la Costa
del Plasticos !
A Huelca, des "badlands"
comme dans le Dakota du Sud. Encore des décharges sauvages : on
a visiblement un problème de traitement des déchets, dans
ce coin. Il manque aussi des aires de repos avec toilettes : RIEN sur des
centaines de kilomètres. Obligés d'aller dans la nature,
comme des bêtes …
Voici la province de Murcie,
une région plus authentique : une sierra aride de des collines pelées
roses et bleues, une vaste plaine habitée. Lorca et ses falaises
rouges, violettes et grises. Un château en ruine sur un piton rocheux.
Une variété extravagante de formes et de couleurs - très
US - juste un peu gâchée par une persistante odeur de merde.
Mais faut bien vivre, sans doute, d'autant que l'agriculture est ici plus
traditionnelle, équilibrée : en plein air, quoi !
Murcia, grosse ville industrielle
qu'on contourne. Direction Alicante, dans un paysage toujours désertique,
et en même temps cultivé (arbres, vignes). Une vaste
plaine, "agrémentée" de décharges sauvages.
Alicante à la nuit
tombante, vers Villena sous la pluie, à la recherche d'un hôtel.
Indiqués depuis l'autovia, ils sont très peu nombreux … et
tous complets ! Retournons vers Alicante, sortie à Villa Joyosa,
dont le nom m'inspire de l'optimisme. Grave erreur : nous voila embarqués
dans une galère, car la nuit est désormais noire … enfin
un panneau annonçant une pension. Pour la trouver, dans les ruelles
à sens unique du bled, nous mettrons bien deux heures, en demandant
à tous les passants disponibles. Problème : aucun ne parle
un mot d'anglais, même pas les jeunes ados sur leur scoot !
Enfin la pension, où
il faut sonner et attendre dix minutes à la porte. La chambre a
l'air propre, bien que petite.
Erreur : un énorme
cafard nous attend dans la douche. Au secours !
Au compteur de cette journée-galère
: 730 kilomètres, dont 100 en trop. Bonne nuit.
Jeudi 27
Vite, un petit déj
pour se remonter. Nous trouvons un bistrot propret, avec vue mer, qui nous
sert deux cafés et ces fameux "churros", longs beignets un peu gras
mais réconfortants.
De jour, Villa Joyosa est
plus gaie, surtout sa tranquille Promenade en bord de mer, le long d'une
jolie plage de sable, qui plait semble-t-il aux troisième âge
à la peau fripé. Beaucoup de Belge et de Français
!
Bientôt, nous prenons
la route nationale qui longe la mer vers Benidorm : une expérience
pour qui aime les "beaufs" bien gras et vulgaires, car ce Hong Kong sur
mer (je compte plus de 30 étages aux buildings construits en rangs
serrés) les attire, de toute l'Europe. Hollandais, Anglais, Français
ou Belges, ce sont les mêmes !
Arrêt sur un parking
espagnol : pas de WC, pas de table de pic-nic, au mieux quelques
grands sacs en plastique en guise de poubelle. Comment s'étonner
que la nature alentours soit parsemée de déchets et déjections
en tous genres. Bonjour les odeurs : incompréhensible, dans un pays
par ailleurs aussi propre et rigoureux !?
Avec la mer en arrière
plan, se succèdent hangars à shopping, terrains vagues, décharges
publiques, cages à touristes déjà décrépites,
roseaux, plages ridiculement petites et beaufs en short. J'ai le temps
de contempler, vu qu'on roule au pas dans les gaz d'échappement.
L'Espagne, un pays moderne,
la case "écolo" en moins ?
Castello de la Plana,
ses fabriques de sanitaires en céramiques et porcelaines. Petite
ville sans charme, avec ses grappes d'immeubles neufs élevés,
si ce n'est un centre ville avec cathédrale et campanile (en réfection)
un peu anciens. Déjeuner en terrasse d'un snack sur la Plaza Major
est quand même bien agréable.
Difficile par contre de
sortir de Castello, nous errons un moment dans des barres et tours moutardes
et brunes délavées peu riantes. Carrefour est là,
ainsi qu'Al Campo (Auchan, en espagnol !) et Mc Do.
De nouveau sur l'autoroute,
nous contemplons le front de mer bétonné de hautes tours
agglutinés. Les Espagnols aimeraient-il vivre en hauteur ?
Quand la route s'éloigne
du bord de mer, le paysage redevient "ouest-américain" aride,
mais parsemé de ruines de château sur le moindre piton rocheux.
Voici la Catalogne.
Le ciel se couvre au dessus d'une Sierra rocheuse, la région de
Barcelone a l'air plus verte, les villages moins blancs. L'autoroute est
à péage pour le contournement de Barcelone. Une affreuse
banlieue de barres horizontales en brique, et soudain, d'énormes
massifs rocheux rouges, roses et gris. Ici, pas de décharges sauvages
mais le tri sélectif des déchets, semble-t-il.
Nous sommes bientôt
sur la nationale qui monte vers les Pyrénées et la frontière
française. Les villages sont beaucoup plus austères, de couleurs
sombres. A la recherche d'un hôtel, nous entrons dans la petite ville
de Manresa, à la nuit tombée : une impression saisissante
d'austérité. En partie construits sur la colline, certains
immeubles sont en ruine, les autres d'une dimension tellement imposante
et de couleur si sombre que je veux repartir. Cette ville me glace le sang
… De toute façon, aucun hôtel à l'horizon.
Après plusieurs
essais infructueux - les rares hôtels qui existent sont pleins -
enfin, à 22 heures, le majestueux Hotel Park de Puigcerga, (site
web hotelparkpuigcerda.com)
juste avant la frontière, nous tend les bras. Pour nous, la dernière
chambre disponible. Sauvés par le gong !
Même si elle est
mansardée, la chambre est parfaite, la salle de bain immense, et
à l'accueil, on parle français.
Et le petit déjeuner-buffet
du lendemain matin sera pantagruélique. Une adresse à retenir.
Et nous quitterons l'Espagne
avec une vraie envie de revenir.
Florence CANARELLI
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