Mardi 11
Le petit déjeuner
du F1 est correct (pour 22 francs) et l'hôtelière souriante
: un bon point pour le F1 de Tarbes.
Le temps est beau, l'air
vif ce matin au pied des Pyrénées.
Un détour par Lourdes
est au programme : la route qui y mène est en parfait état,
marquage blanc quasi éblouissant, champs de maïs et peupliers,
une zone industrielle bien clean, no stress. A l’approche de la ville miraculeuse,
s’annoncent un Grand Hôtel de la Grotte, des restaurants “Le Virginia”
ou "Sainte Bernadette". Le cadre est beau, dans les sapins gris, l’air
des montagnes ennivrant. Un air qui, s’il ne guérit pas, ne peut
faire que du bien à la santé !
Dans le centre de Lourdes,
de nombreux énormes hôtels anciens ou du moins désuets,
un château fort sur la colline. Lourdes serait une ville charmante
sans cette exploitation industrielle de la religion : je voulais voir ça
de mes yeux et je n’ai pas été déçue.
Avant d’atteindre la grotte
de Bernadette, la rue principale qu’il faut emprunter est un véritable
chemin de croix pavé de bondieuseries en plastique.
Si j’estime à 200
le nombre de ces BAM (voir la définiton plus haut !), je pense être
encore loin du compte.
Devant ces BAM, des touristes
religieux (mot qui se conjugue le plus souvent au féminin), certains
encore debout, d’autres installés dans des fauteuils roulants conduits
par des infirmières en blanc. Plus on se rapproche du “site”,
plus la foule grossit. Jusqu'à une vaste place où trône
une gigantesque église, écrasante, à laquelle on accède
par des escaliers vertigineux. L'idée serait-elle d'écraser
le dévôt sous le poids de la Religion ?
Bientôt, étouffant
devant cette foule indescriptible, nous renonçons à visiter
la grotte : la file d'attente viendra à bout de notre curiosité.
On en a assez vu pour aujourd'hui.
Sarrance, un magnifique
village entr’aperçu. La maison béarnaise : batisse en pierres
de taille mauves et parmes, toitures pointues incurvées en ardoise.
Déjeuner à
Besous (deux plats du jour pour 80 francs), servis par la patronne un peu
ronchon. Le temps étant idylique, on enlève le toit de notre
petite Honda Targa, afin de profiter du bon air et de cette jolie route
à l’allemande (et c'est un compliment !).
Première impression d'Espagne : un paysage de caractère, une terre aride et sablonneuse, des peupliers bruissants, une forte chaleur sèche, le chant des grillons. Et un grand nombre de constructions neuves ou en chantier.
Après la tranquille
petite ville de jaca, nous reprenons la route (N240) vers Huesca, dans
une verte vallée bordée de collines, où peupliers
et trembles se regroupent autour de la rivière. Comme nous l'avons
lu, le réseau routier est effectivement en parfait état,
bien entretenu, les panneaux énormes, hyper-lisibles … Et les conducteurs
rigoureux au premier abord : ils mettent le clignotant pour se rabattre
!
Les constructions espagnoles
m'apparaissent comme robustes et massives, carrées, imposantes,
géométriques : un peuple de maçon ?
Bientôt, la vallée
s’élargit - deux bergers et leurs troupeaux de moutons - la terre
devient plus sèche, formant des “mini-badlands”, comme un mini Montana
(ce qui veut dire d'ailleurs montagne en espagnol, semble-t-il). Après
le col Santa Barbara (858 mètres), le sol est sec mais avec des
parcelles vertes cultivées par endroit (comme en Utah) parsemé
de pins (pignons ou ponderosa, comme au Nouveau Mexique).
Une tranche de roches rouges
(Utah), le village de Salinas (Californie), des falaises d’argile blanche,
un canyon de roches roses, rouges, beiges, grises (Idaho ou Dakota ?) …
Seules les solides fermes en pierre de taille n’évoquent pas l’Amérique.
Huesca, dans la plaine et
ses grosses "barres" (à barbares ?). Une station service immense
et hyper clean, à manger par terre : décidement, serions-nous
en Amérique ?
Après quelques courses
dans un "Coso Real", nous repartons sur une "Autovia", ces voies express
gratuites qui sillonnent le pays, aussi belles qu'un Interstate américain.
Dans un paysage très Montana, au soleil rasant.
Comme aux States également,
des panneaux regroupant les services (sous forme de symboles : manger,
dormir …)
L'Espagne, un concentré
d'Amérique : qui l'eut cru ?
A 21h30, après
avoir traversé Zaragoza by night (à visiter !), nous trouvons
enfin un hôtel, El Cisne, au bord de l'autovia. Etonnant, mais il
y en a très peu, dans ce pays qu'on imagine si touristique. En la
matière, un fossé avec les States et ses motels omniprésents
El Cisne, un bel hôtel
3 étoiles, avec tv par satellite (pour 9600 pesetas la nuit) : ce
qui nous permettra d'assister à l'horrible cauchemar vécu
par New York et Washington sur CNN, en ce sinistre mardi 11 septembre.
Mercredi 12
Après un déjeuner
improvisé (un toast et un pain au chocolat choisis au comptoir),
en route pour Zaragoza, capitale de l'Aragon, cinquième ville d'Espagne
avec 600.000 habitants. Les abords de la ville sont désertiques,
herbes sèches et légers vallonnements comme au Wyoming ou
au Nouveau Mexique. Un premier hypermarché Carrefour (mais pas le
dernier) et une forêt de HLM plutôt bas (une dizaine d'étages),
peints aux couleurs que je décide être espagnoles (ce qui
se confirmera par la suite) : brun, moutarde et rouge sombre.
![]() ![]() ![]() ![]() Zaragoza, la gigantesque église du Pilar et la statue de Goya, grand peintre espagnol né dans la ville en 1746 |
Dans l'après-midi,
nous reprenons la route vers Madrid, une route extra-large, taillant
dans les falaises, à travers paysages désertiques, terre
sableuse qui vole au vent, arbustes bas au ras du sol (comme au Nevada).
Une zone industrielle en
construction promet d'apporter modernisme et dimensions à l'américaine.
Voici notre premier "taureau"
grand format en métal noir se découpe sur la plaine blonde
plantée d'éoliennes.
Une vaste plaine, mamelons
caillouteux bordée de collines bleues, très Montana. Mais
apparaissent les arbres fruitiers et les fermes blanches entourées
de peupliers : nous sommes bien en Aragon.
Les rochers deviennent
rouges, roses, gris : un village dont le clocher, brun-rouge, se fond dans
le paysage.
Nous visitons Calatayud,
ville étonnante, moitié en ruines, moitié reconstruite
et flambant neuve, avec les couleurs fétiches des Espagnols : jaune
moutarde, bruns, rouges sombres.
Question : les Espagnols
rejettent le vieux, préférant habiter dans des tours neuves
… ou est-ce le signe des contrastes d'une société tiraillée
entre modernisme et traditions ?
Un portail d'église
"protobaroque", sculpté de façon exubérante sur une
façade de briques roses sans fioritures.
On the road again : buissons
secs épars sur cette terre caillouteuse, "mesas" (plateaux) de rochers
rouges, terre rouge et brune. Arizona ou Nouveau Mexique ?
Ma conclusion : l'Aragon
est une région extrêmement variée, sans platitude,
magnifique, dont on comprend parfaitement qu'elle ait pu être le
lieu de tournage des Westerns spaghettis.
Jeudi 13
Au peti déj, un café
au lait servi dans un verre et quelques gâteaux secs-maison très
bons, qui évoquent les gâteaux arabes mais moins sucrés
et sans miel.
Pour déjeuner, nous
dégottons un minuscule restaurant qui nous sert des tortillas aux
gambas : parfait, très bon et très propre. De retour à
la voiture, on enlève le toit pour profiter de cet air si agréable
et de ce paysage désertique mais de caractère : hautes collines
bleutées à l'horizon se profilant sur une plaine désertique
jaune aride …
Aride mais pas stérile
: on y fait pousser du maïs et des tournesols, semble-t-il.
Parfois, quelques énormes
rochers aux formes étranges sont posés dans les champs, exactement
comme au Wyoming.
L'Espagne, c'est l'Amérique
pour les paysages, l'Allemagne pour les routes parfaites : qui l'eut cru
?
Seules les constructions
n'ont rien d'américain : maisons en pierre de taille ou peinte à
la chaux, tuiles rondes anciennes ou ardoises, briques roses plus ou moins
sombres.
Tous les styles co-existent,
plus ou moins heureux, mais toujours de qualité (visible à
l'oeil nu).
Toujours la vaste plaine
blonde, route rectiligne ondulant à l'infini, un Kenworth : même
M. se croit aux States !
Les villages se logent
dans les creux, s'entourent d'arbres et de pelouses bien arosées.
Ici, on possède l'art des jardins et parcs, bien ombragés,
fleuris, tirés au cordeau.
Nous entrons dans la province
de Salamanca, plat pays jaune et sec, où maïs et tournesols
sont arosés à l'américaine, par de gigantesques aroseurs
sur roulettes : l'agriculture espagnole d'aujourd'hui m'apparait
comme ultra-moderne.
Un nouveau taureau métallique,
très "design" en noir sur fond jaune. Et voila la ville de Salamanca,
ses villages neufs standardisés (comme par exemple à Reno,
Nevada), sa cathédrale massive, monumentale. Même l'hopital
est un cube carré massif. Magnifiques rond-points bien larges,
nombreuses constructions neuves toujours aussi robustes, parcs et allées
ombragées.
Les Espagnols voient
les choses en grand : un peuple d'agriculteurs (intensifs) et de constructeurs
(robustes) ?
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