CARNET DE VOYAGE / ESPAGNE 2001
       ESPAGNE, POR FAVOR !

Cette année, cap au sud. Si le but de notre voyage est le Portugal, profitons de notre traversée de l'Espagne - par les Pyrénées, l'Aragon et la Castille - pour découvrir un pays inconnu de nous. Conclusion :  nous reviendrons en Espagne ! 
(cliquez sur les images …)
 

Lundi 10 septembre

Départ de Nice à 10 heures, par notre "cher" autoroute français, direction Tarbes. Rien à signaler, si ce n'est un déjeuner rapide sur l'aire de Bézier-Montblanc.

Première étape, Carcassonne. Déjà, le parking est payant, ça sent l’arnaque à touristes. 
En cherchant, on trouve un parking non payant (non mais), et partons pour une petite visite éclair de la cité aux remparts - belle, très belle, très bien conservée - mais qui étouffe sous le tourisme de masse, même en septembre.
Pour nous, trop de foule et trop de de BAM (boutiques à merde !)
En fin d'après-midi, nous quittons l’autoroute pour une départementale (D119), jolie route qui sillonne une campagne doucement vallonnée. C'est l’Ariège, “les Pyrénées avec un grand A”. Une belle région, propre et écolo avec ses cimes pyrénéennes bleutées.
Formule 1 réservé à Tarbes, diner Quick, rapide !

Mardi 11

Le petit déjeuner du F1 est correct (pour 22 francs)  et l'hôtelière souriante : un bon point pour le F1 de Tarbes.
Le temps est beau, l'air vif ce matin au pied des Pyrénées.
Un détour par Lourdes est au programme : la route qui y mène est en parfait état, marquage blanc quasi éblouissant, champs de maïs et peupliers, une zone industrielle bien clean, no stress. A l’approche de la ville miraculeuse, s’annoncent un Grand Hôtel de la Grotte, des restaurants “Le Virginia” ou "Sainte Bernadette". Le cadre est beau, dans les sapins gris, l’air des montagnes ennivrant. Un air qui, s’il ne guérit pas, ne peut faire que du bien à la santé !
Dans le centre de Lourdes, de nombreux énormes hôtels anciens ou du moins désuets, un château fort sur la colline. Lourdes serait une ville charmante sans cette exploitation industrielle de la religion : je voulais voir ça de mes yeux et je n’ai pas été déçue.
Avant d’atteindre la grotte de Bernadette, la rue principale qu’il faut emprunter est un véritable chemin de croix pavé de bondieuseries en plastique.
Si j’estime à 200 le nombre de ces BAM (voir la définiton plus haut !), je pense être encore loin du compte.
Devant ces BAM, des touristes religieux (mot qui se conjugue le plus souvent au féminin), certains encore debout, d’autres installés dans des fauteuils roulants conduits par des infirmières en blanc.  Plus on se rapproche du “site”, plus la foule grossit. Jusqu'à une vaste place où trône une gigantesque église, écrasante, à laquelle on accède par des escaliers vertigineux. L'idée serait-elle d'écraser le dévôt sous le poids de la Religion ?
Bientôt, étouffant devant cette foule indescriptible, nous renonçons à visiter la grotte : la file d'attente viendra à bout de notre curiosité.  On en a assez vu pour aujourd'hui.
 
Nous reprenons la route vers Pau, dans une nature verdoyante, pelouses tondues, montagnes vertes, route de velours. Pau, en Béarn, est une belle ville au riche passé, ce que prouve ces grands hôtels, funiculaires …
Enfin sortis de Pau, direction l’Espagne, à travers le parc national des Pyrénées, “pays du veau fermier élevé sous la mère”, par une belle route nationale rapide qui grimpe et descend dans les montagnes.
Voici la majestueuse vallée d’Aspe : un paysage verdoyant, des vaches presque blanches, un air très doux, un soleil rayonnant, des odeurs d'herbe. Pas de sapins mais le sol doit être riche, vu que le maïs pousse à deux mètres de haut.

La Targa dans la vallée d'Aspe des Pyrénées

Sarrance, un magnifique village entr’aperçu. La maison béarnaise : batisse en pierres de taille mauves et parmes, toitures pointues incurvées en ardoise.
Déjeuner à Besous (deux plats du jour pour 80 francs), servis par la patronne un peu ronchon. Le temps étant idylique, on enlève le toit de notre petite Honda Targa, afin de profiter du bon air et de cette jolie route à l’allemande (et c'est un compliment !).
 

Enfin la frontière espagnole, au col du Somport. Côté espagnol, Jaca et sa citadelle

Au col du Somport (1640 mètres) , c'est la frontière espagnole. Nous pénétrons dans la province de l’Aragon, par une belle route, sur laquelle on fait des travaux routiers d’importance.
L’essence à 5 francs le litre, on apprécie.
A Jaca, nous faisons à pied le tour de la citadelle (Ciutadeda) carrée, tellement bien conservée que la muraille est comme neuve. 

Première impression d'Espagne :  un paysage de caractère, une terre aride et sablonneuse, des peupliers bruissants, une forte chaleur sèche, le chant des grillons. Et un grand nombre de constructions neuves ou en chantier.

Après la tranquille petite ville de jaca, nous reprenons la route (N240) vers Huesca, dans une verte vallée bordée de collines, où peupliers et trembles se regroupent autour de la rivière. Comme nous l'avons lu, le réseau routier est effectivement en parfait état, bien entretenu, les panneaux énormes, hyper-lisibles … Et les conducteurs rigoureux au premier abord : ils mettent le clignotant pour se rabattre !
Les constructions espagnoles m'apparaissent comme robustes et massives, carrées, imposantes, géométriques : un peuple de maçon ?
Bientôt, la vallée s’élargit - deux bergers et leurs troupeaux de moutons - la terre devient plus sèche, formant des “mini-badlands”, comme un mini Montana (ce qui veut dire d'ailleurs montagne en espagnol, semble-t-il). Après le col Santa Barbara (858 mètres), le sol est sec mais avec des parcelles vertes cultivées par endroit (comme en Utah) parsemé de pins (pignons ou ponderosa, comme au Nouveau Mexique).
Une tranche de roches rouges (Utah), le village de Salinas (Californie), des falaises d’argile blanche, un canyon de roches roses, rouges, beiges, grises (Idaho ou Dakota ?) … Seules les solides fermes en pierre de taille n’évoquent pas l’Amérique.
Un énorme rocher ocre-rouge surgit, avec des faux airs du parc américain "Arches". 
Mais à ses pieds, un village perché blanc très espagnol.
Apparaissent les arbres fruitiers, oliviers, cyprès … entourés de collines d’herbes sèches (Montana). 
Soudain, une vaste plaine blonde très Dakota du nord,  une chaine de montagnes se profilant sur notre gauche (Wasatch Ranges de l'Utah).
Une belle route rectiligne à l'infini traverse cette vaste plaine parsemée de monticules arborés.
Seuls les quelques villages blancs avec clocher signent l'Europe.

Un village blanc au pied d'un rocher ocre

Huesca, dans la plaine et ses grosses "barres" (à barbares ?). Une station service immense et hyper clean, à manger par terre : décidement, serions-nous en Amérique ?
Après quelques courses dans un "Coso Real", nous repartons sur une "Autovia", ces voies express gratuites qui sillonnent le pays, aussi belles qu'un Interstate américain. Dans un paysage très Montana, au soleil rasant.
Comme aux States également, des panneaux regroupant les services (sous forme de symboles : manger, dormir …)
L'Espagne, un concentré d'Amérique : qui l'eut cru ?
A 21h30,  après avoir traversé Zaragoza by night (à visiter !), nous trouvons enfin un hôtel, El Cisne, au bord de l'autovia. Etonnant, mais il y en a très peu, dans ce pays qu'on imagine si touristique. En la matière, un fossé avec les States et ses motels omniprésents
El Cisne, un bel hôtel 3 étoiles, avec tv par satellite (pour 9600 pesetas la nuit) : ce qui nous permettra d'assister à l'horrible cauchemar vécu par New York et Washington sur CNN, en ce sinistre mardi 11 septembre.

Mercredi 12

Après un déjeuner improvisé (un toast et un pain au chocolat choisis au comptoir), en route pour Zaragoza, capitale de l'Aragon, cinquième ville d'Espagne avec 600.000 habitants. Les abords de la ville sont désertiques, herbes sèches et légers vallonnements comme au Wyoming ou au Nouveau Mexique. Un premier hypermarché Carrefour (mais pas le dernier) et une forêt de HLM plutôt bas (une dizaine d'étages), peints aux couleurs que je décide être espagnoles (ce qui se confirmera  par la suite) : brun, moutarde et rouge sombre.
 

Zaragoza, la gigantesque église du Pilar et la statue de Goya, grand peintre espagnol né dans la ville en 1746

Zaragoza est une ville plutôt calme et large, les conducteurs peu nerveux au volant (miracle pour une grande ville), même si quelques piétons indisciplinés traversent n'importe où. 
Enfin garés en parking souterrain, nous partons  pour trois heures de marche dans cette grande ville en plein chantier (des travaux partout, sur les rond-points, les trottoirs …) aux monuments "monumentaux", comme cette église du Pilar énorme, pesante dont l'intérieur est austère et écrasant : colonnades, moulures, fresques sculptées et médaillons au plafond. Ici, pas de trompe-l'oeil ni de faux semblants, rien que du massif et du vrai. 
A la fois beau et presque effrayant !

Dans l'après-midi, nous reprenons la route vers Madrid,  une route extra-large, taillant dans les falaises, à travers paysages désertiques, terre sableuse qui vole au vent, arbustes bas au ras du sol (comme au Nevada).
Une zone industrielle en construction promet d'apporter modernisme et dimensions à l'américaine.
Voici notre premier "taureau" grand format en métal noir se découpe sur la plaine blonde plantée d'éoliennes.
Une vaste plaine, mamelons caillouteux bordée de collines bleues, très Montana. Mais apparaissent les arbres fruitiers et les fermes blanches entourées de peupliers : nous sommes bien en Aragon.
Les rochers deviennent rouges, roses, gris : un village dont le clocher, brun-rouge, se fond dans le paysage.
Nous visitons Calatayud, ville étonnante, moitié en ruines, moitié reconstruite et flambant neuve, avec les couleurs fétiches des Espagnols : jaune moutarde, bruns, rouges sombres.
Question : les Espagnols rejettent le vieux, préférant habiter dans des tours neuves … ou est-ce le signe des contrastes d'une société tiraillée entre modernisme et  traditions ?
Un portail d'église "protobaroque", sculpté de façon exubérante sur une façade de briques roses sans fioritures.

On the road again : buissons secs épars sur cette terre caillouteuse, "mesas" (plateaux) de rochers rouges, terre rouge et brune. Arizona ou Nouveau Mexique ?
Ma conclusion : l'Aragon est une région extrêmement variée, sans platitude, magnifique, dont on comprend parfaitement qu'elle ait pu être le lieu de tournage des Westerns spaghettis.
 
Bientôt, nous entrons dans la province de "Castilla y Leon" : l'air est de plus en plus chaud. 
Un vaste plateau de mesas rouges, deux tours de chateau en ruines sur un éperon rocheux.
Nous visitons Medinaceli, superbe village perché sans un seul touriste, sa fière Plaza Major, ses maisons en pierre de taille, sa porte arabe, son Arco Romano (arc de triomphe romain) du 2ème siècle avec vue sur la vallée désertique. Un beau souvenir.

Medinaceli, sa fière Plaza Major, son arc romain

Voici la "Castilla la Mancha" : les paysages de l'Ouest américain en miniature.
Si les Espagnols construisent solide, ils aiment également les voitures robustes : la Mercedes semble reine ici
Etonnant (selon moi) pour un peuple latin, ils conduisent vite et bien sur leurs superbes routes rectilignes, vifs mais disciplinés, un vrai plaisir de rouler.
Dans cette région si aride, la moindre parcelle exploitable est cultivée (brun pour les terres labourées, jaune pour les blés coupés).
Un autre "taureau" planqué derrière une butte. Guadalajara, une ville industrielle fumante qui ne correspond pas à son nom chantant.
Vers 20 heures, nous contournons Madrid par un périph' ultra-moderne.
Ce que l'on aura vue de Madrid : immeubles de bureaux flambant neufs, grappes de HLM bruns sombres en construction,  noeuds d'échangeurs, publicités sur pied et néo-villages neufs standardisés comme aux States … Les Français Carrefour, Al Campo (Auchan), Leroy Merlin sont là. Entourée de collines pelées (comme San Francisco), Madrid est une gigantesque métropole qui n'a (de loin) rien à envier à l'Amérique.
La nuit tombe quand nous traversons Guadarrama : un merveilleux coucher de soleil, avec des trainées de nuages roses, nous réconforte de ne pas trouver d'hôtel. A la station service de Villacastin, on nous indique le "San Sebastian Hostal". C'est un petit hôtel de bord de route, vieillot mais propret où l'accueil est austère.
Plus tard, dans un snack, nous goûterons aux "tortillas espana", nom bien poétique pour dire omelette aux pommes de terre ! Les quelques habitués sont figés, solitaires, l'oeil rivé à la télé.

Jeudi 13

Au peti déj, un café au lait servi dans un verre et quelques gâteaux secs-maison très bons, qui évoquent  les gâteaux arabes mais moins sucrés et sans miel.
 

Segovia, un village médiévale perché sur une colline 

Bientôt, dans un air très doux, nous partons pour Segovia. Bien qu'en dehors de notre route, nous ne voulons pas rater Segovia, classé patrimoine mondial par l'UNESCO.
A travers une jolie campagne sèche - terre argileuse, chênes-lièges, peupliers et trembles, ondulations jaunes pâles et brunes, vaches noires, brunes et blanches, chevaux, moutons : le Nouveau Mexique ?
L'air devient  très chaud (28°) mais, bien sec, il est supportable. 
Garés à l'extérieur, nous empruntons un petit chemin qui longe les remparts avant de pénétrer, par une vieille porte, dans Segovia, un village médiéval perché sur une colline.
A ne pas manquer : son château de contes de fées (ou Alcazar), sa cathédrale flamboyante. 

Pour déjeuner, nous dégottons un minuscule restaurant qui nous sert des tortillas aux gambas : parfait, très bon et très propre. De retour à la voiture, on enlève le toit pour profiter de cet air si agréable et de ce paysage désertique mais de caractère : hautes collines bleutées à l'horizon se profilant sur une plaine désertique jaune aride …
Aride mais pas stérile : on y fait pousser du maïs et des tournesols, semble-t-il.
Parfois, quelques énormes rochers aux formes étranges sont posés dans les champs, exactement comme au Wyoming.
L'Espagne, c'est l'Amérique pour les paysages, l'Allemagne pour les routes parfaites : qui l'eut cru ?
Seules les constructions n'ont rien d'américain : maisons en pierre de taille ou peinte à la chaux, tuiles rondes anciennes ou ardoises, briques roses plus ou moins sombres.
Tous les styles co-existent, plus ou moins heureux, mais toujours de qualité (visible à l'oeil nu).
Toujours la vaste plaine blonde, route rectiligne ondulant à l'infini, un Kenworth : même M. se croit aux States !
Les villages se logent dans les creux, s'entourent d'arbres et de pelouses bien arosées. Ici, on possède l'art des jardins et parcs, bien ombragés, fleuris, tirés au cordeau.
Nous entrons dans la province de Salamanca, plat pays jaune et sec, où maïs et tournesols sont arosés à l'américaine, par de gigantesques aroseurs sur roulettes :  l'agriculture espagnole d'aujourd'hui m'apparait comme ultra-moderne.
Un nouveau taureau métallique, très "design" en noir sur fond jaune. Et voila la ville de Salamanca, ses villages neufs standardisés (comme par exemple à Reno, Nevada), sa cathédrale massive, monumentale. Même l'hopital est un cube carré massif.  Magnifiques rond-points bien larges, nombreuses constructions neuves toujours aussi robustes, parcs et allées ombragées.
Les Espagnols voient les choses en grand : un peuple d'agriculteurs (intensifs) et de constructeurs (robustes) ?
 

Dans la petite ville de Rodrigo

Des châteaux en Espagne, ce n'est pas une légende : ils sont un nombre incalculable à orner, plus ou moins en ruine, le moindre piton rocheux. Exemple parmi d'autres, le petite ville de Rodrigo que nous visitons, ses superbes maisons en belles pierres aux vieille tuiles rondes, ses remparts, son château avec donjon
Apparaissent les plantations de chênes-lièges, à l'approche du Portugal : le paysage verdit peu à peu. 
La Nationale 620 n'est qu'une longue procession de camions qui se dirige vers la frontière. Bientôt, nous franchissons la "frontière" - qui bien sûr n'existe plus, Europe oblige - et soudain, tout change … 
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