Vendredi 4 septembre
Bien arrivés à Chicago, sur l'aéroport O’Hare International, nous partons au volant d'une Ford Taurus de location, d’une couleur gris-doré sophistiquée. Nous voila bientôt sur l’Interstate 90 en direction de notre première étape, Rockford. C'est l'heure des bouchons du vendredi soir, la route semble longue. Enfin au lit, il est 6 heures 30 du matin pour nous !
Samedi 5
Mal dormi à cause du bruit de la clim … Adaptation
nécessaire. Bon gros breakfast chez Perkins (15 dollars à
deux) qui nous requinque un peu : le "grand jeu" avec quatre saucisses,
deux oeufs, pommes de terres et pancakes.
Enfin sur la route, sous le soleil brûlant
mais avec la clim (appréciable par moment) pour traverser l’Illinois,
“state of Lincoln”, par l’Interstate 90.
Dans le Wisconsin, doucement vallonné
et verdoyant. Un état agricole mais san srien de plouc : tous les
commerces possibles qui s'étirent sur de vastes espaces. Jolies
fermes peintes en rouge sombre à la danoise, avec toitures enflées
et biscornues. Paysages un peu allemands et un peu danois … en plus grand,
certes. En ce samedi matin, nous croisons bateaux et autres jet-skis tractés
par d’énormes pick-ups rutilants, pour un week end qu’on imagine
aquatique.
Des enfants s’éclatent sur un trampolin
(un enfant américain ne s’ennuie jamais !), une fabrique de fromage,
des vaches, des champs de maïs … Petits travaux sur la route
: 20 km de “detour”, j’appelle ça faire les choses en grand.
La route 33 ondule tranquillement vers le soleil,
elle est étroite et tourne, le paysage bucolique rappelle l’Europe.
D’ailleurs, les noms des “farmers” en disent longs : Hirsch, Hauser, Wassenberger,
Dahl … Parfois l’impression de se trouver dans la Schwarzwald germanique.
Un Amish barbu, en carriole tiré par un cheval. Le soleil devient
une énorme boule rouge sur l’horizon. Un “Norwegian cafe”, nombreux
blondinets … Pas de doute, les immigrants venaient d’Europe du Nord.
A La Crosse (les Français aussi sont passés
par là). Nous faisons le plein pour 12 dollars : toujours un choc
!
Surprise : nous sommes doublés par une locomotive
… sur roues qui fait entendre un joyeux klaxon de train. Fantaisie
américaine ! Motel à Rochester.
Dimanche 6
Au breakfast chez Denny’s, une Américaine
vient nous demander si on est Anglais. Elle a vécu à Londres
et voyagé en France : “tous les hommes sont les mêmes partout”
conclue-t’elle. Un peu léger ou très profond, cette réflexion
?
Sur la route 14. Le ciel est gris, l’air chaud
et lourd dans le Minnesota. Le paysage s’aplatit, s’agrandit, c’est
le début de la Prairie. Pommiers, champs de maïs à perte
de vue, une marée d’engins de chantier à vendre. La route
devient droite à l’infini sous le ciel terne. Fermes, granges et
silos à grains entourés d’arbres. Waseca, belle petite ville
avec belles maisons à colonnes, église nordique en brique.
Après le quartier chic, une “mobile home community”.
Des pierres tombales dans un pré soigneusement
tondu, cimetière apaisant, sans barrières : “les morts sont
parmi nous”, selon M.
Lundi 7
C’est le Labor Day (tous les premiers lundi de septembre).
Sur l’I 90, en direction des Badlands.
Le Dakota : grandes plaines, vaches noires, herbes
vertes et jaunes.
Soudain, la route tourne et plonge entre les
mamelons verts : nous franchissons la White River, porte d’entrée
de la Réserve Sioux de Rosebud. Le paysage est encore plus sauvage,
le revêtement moins bon. Des champs cultivés mais aussi des
morceaux de “prairie” intacte, magnifique et de couleur changeante. Bosquets
d’arbres dans les creux, rares fermes et granges indiens, groupées
autour de mobile-homes délavés, eux même entourés
de matériel agricole rouillé. Parfois, une ferme plus riche
et propre. Le paysage redevient plus sauvage, les arbres plus rares, les
mamelons d’herbe rase de tous les tons de vert, du jaune-vert au jaune-brun.
Vision rare : un Indien à cheval se promène tranquillement
dans ce paysage mythique. Wanblee, un rassemblement de mobile-homes délabrés
: on vit ici pauvrement. A la sortie, contraste, une ville nouvelle de
mobile-homes propres et récents.
La journée entière est nécessaire
pour profiter de ce Parc, surtout si on veut effectuer quelques randonnées
à pied, qui nécessitent des chaussures “robustes”. Nous sommes
en tennis mais pas impressionnés : pourtant, le parcours est plus
difficile que prévu, une échelle de corde à monter
et des corniches plutôt vertigineuses. L’herbe réussit à
pousser au fond des creux, ce qui ajoute à l’étrangeté
des lieux : inoubliable !
En route vers Rapid City, faisons un tour à
ce “Wall Drug” qui fait une publicité agressive depuis des centaines
de kilomètres. C’est un “attrape-touriste” professionnel, dizaines
de boutiques alignées qui vendent la même camelote, mocassins
ou bijoux “indiens” (fabriqués à Hong Kong), t-shirts et
casquettes gravés “Dakota” ou “Badlands”. Mais il y a un plus :
une “rue” décorée “western”, avec totems indiens, ou cow-boys
de bois, et enfin, l’attraction vedette (et gratuite), une scène
de bataille animée par des automates, des milliers d’heures de travail
pour un barjot local. A ce stade … admiration de notre part ! Motel à
Rapid City.
Mardi 8
Pédagogique : des fossiles d’animaux préhistoriques
conservés sous verre autour d’un sentier parfaitement aménagé,
accessible bien sûr aux handicapés.
Nous reprenons la 44 à travers la
Réserve de Pine Ridge, plaine avec les Badlands qui se découpent
à l’horizon. Puis, la 16A vers les Black Hills : une route de montagne
en zigzag dans la forêt, des ponts de bois, un bison et une biche
entraperçus … Entrée dans le Wyoming à la nuit
noire, nous sommes encore loin, fonçant sur une route droite et
nickel en direction de notre motel de Gillette.
Mercredi 9
Nous découvrons enfin le Wyoming de jour,
le “cow-boy state” : toujours les mamelons herbeux du Dakota mais en plus
lunaire, parsemés de touffes de buissons vert-gris, et de rochers
affleurant. Aucune platitude, la route monte en douceur et redescend de
même, la Lozère … ou la lune ? La route est magnifique, deux
voies qui en valent trois en France. Le paysage devient encore plus désertique,
impropre à la culture, sol crevassé, parsemés de ces
buissons gris (de la sauge, apprend-nous plus tard). La sauge chère
aux Indiens, qui la faisaient brûler pour se purifier. Montagnes
bleutées en ligne d’horizon, barre rocheuse au premier plan, et
toujours ce sol aride et sec. Nous traversons la Powder River, et
entrons dans les Bighorns Mountains.
A l’approche de Buffalo, apparaissent quelques fermes
et troupeaux mais entourés d’un chaos de véhicules rouillant
dans les prés. Une immense casse de voitures brillant sous le soleil.
Buffalo, 3600 habitants, altitude 4 000 pieds (1200
mètres) et pourtant, il fait 35° !
Nous prenons la route 16, une “scenic road”
qui file en droite ligne vers les Bighorns, un vieux massif datant de l’éocène
(35 à 50 millions d’années), autre massif de 500 millions,
granit de 2,3 milliards d’années !
La montagne est faite de blocs de rochers noirs
… du pré-cambrien. Un méga-troupeau de moutons, les nuages
sont comme des morceaux de coton dans un ciel bleu pur. La route plonge
au fond d’un canyon, paradis du géologue. Fin des montagnes, voici
la plaine, encore quelques monticules du Jurassique, dont un rouge sur
pré vert pomme. Encore quelques Badlands, variété
hallucinante de formes et couleurs. De ce pays lunaire, tout ce que l’homme
a pu tirer c’est, semble-t’il, un peu de pétrole. Motel à
Billings, Montana.
jeudi 10
Aujourd'hui, ce sera une journée consacrée au souvenir des Indiens d'Amérique.
Nous repartons vers le Wyoming par la route 14, pour retraverser les Bighorns Mountains. Nous sommes sur le Boozeman Trail la piste des pionniers et des diligences. Nous fonçons dans les Bighorns jusqu'à une “scenic area” à 9 400 pieds (2 800m), avant d'entamer la descente à 10%. Le “basin” était sous l’eau à la Préhistoire. Territoire indien jusqu’en 1878, avant que les pionniers ne s’en emparent. Retour à Billings.
Vendredi 11
Agréable soleil sur le Montana, nous reprenons
la route 310 vers Yellowstone, à travers la Custer National Forest,
par une majestueuse vallée glaciaire. Route en lacets qui monte
au Beartooth pass (col de la Dent d’Ours), 3 000 mètres puis redescente
dans un paysage de western, paradis des pêcheurs.
Devant le motel, sous la pluie, un barjot en slip
sous la pluie essuie … les phares de sa voiture !
L’Idaho, “famous potatoes” : notre route
longe la Snake River. Soudain, apparaissent des rochers noirs presque
effrayants recouverts de sauge grise. Ce sont des “lava beds” ou lits de
laves d’origine volcanique (mais sans volcans).
L’Idaho : de grandes étendues cultivées
plus ou moins plates avec collines pelées. Pocatello, “small town”
au milieu des arbres, au pied de collines à pattes d’ours : une
université, beaucoup de pelouses …
Nous traversons la Caribou National Forest sous
un ciel noir, hautes collines pelées impressionnantes.
Le soleil revient, la vallée s’aplatit,
parsemée des fermes petites et rapprochées moins riches que
dans les grandes plaines. Nous apprenons que cette vallée était
empruntée par les pionniers … c’est l’Oregon Trail.
Après la pluie, le soleil réapparaît
pour notre entrée dans l’Utah sous un ciel bleu légèrement
moutonneux.
Nous roulons dans une vaste plaine qui longe, sur
la gauche, les Wasatch Range, haut et beau massif de montagnes. Il fait
chaud maintenant, les noms des villes se font non plus germaniques mais
anglais.
A Ogden sous un ciel menaçant, la circulation
devient plus intense aux abords de Salt Lake City. D’abord, une vaste banlieue-dortoir
répandue sur la colline, puis une, deux, trois raffineries de pétrole,
énormes usines fumantes. Enfin, aux pieds des montagnes, le centre
ville de Salt Lake City (170 000 habitants, mais 818 000 pour l’”area”
, 1320 mètres d’altitude) avec ses quelques buildings. Et encore
des usines. Et surtout, des travaux routiers monstrueux : toutes les sorties
pour le centre ville sont “closed”, on construit une deuxième voie
d’Interstate. Ce qui s’appelle faire les choses en grand ! Motel à
Provo.
Dimanche 13
Au Tourist Center de Provo, un vieux Monsieur nous
recommande Park City par une “scenic Byway” : une route cernée
de falaises faites d’énormes rochers plissés, jolie rivière
avec pêcheurs dedans. La route (deux fois deux voies pour une route
de montagne) continue de monter entre les Wasatch Mountains. Park City,
une petite station de montagne neuve et proprette. Rien à voir !
Nous reprenons l’I80 vers le grand désert
salé.
Lundi 14
En route pour Arches National Park : décor
de dunes de sable (du moins, rocher qui en a la couleur) grises et noires
avec pattes d’ours, ou dunes pointues, sortes de “badlands” en sable. Des
falaises rocheuses rouges stratifiées en forme de table basse, la
plaine désertique parsemée de rochers rouges. L a route
180 annonce les merveilles de Arches : rochers rouges en forme de châteaux
forts.
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Entrée à Arches (10 dollars pour la
semaine, 1500 mètres d’altitude). Sans doute le plus beau des Parcs
qu’on ait vu : rochers rouges (c’est du grès, semble-t’il) aux formes
incroyables. Certains ont des noms : le Mouton, les Trois commères
… A chacun selon son imagination : j’aurais plutôt tendance à
y voir des seins et des phallus plus que phalliques !
Nous passons 8 heures dans ce Parc, à essayer
tous les points de vue et à emprunter tous les sentiers (sauf celui
de Delicate Arche, trop long et sans un brin d’ombre). Une journée
formidable au grand air (chaud mais sec) à contempler, bouche bée,
les audaces de la nature : Balanced Rock, Garden of Eden, Windows et Landscape
Arche (une arche de pierre de 100 mètres de long, si fragile qu’elle
est prête à s’effondrer à tous moments. Sur ma dernière
photo de Balanced Rock, au coucher du soleil, la roche est d’un rouge
flamboyant. Nous quittons le parc pour notre motel à Grand Junction,
Colorado.
Mardi 15
En route pour Pueblo, par les montagnes Rocheuses.
Sur la 50 east, dans une plaine ondulante jaune-vert à mamelons.
Encore des travaux routiers, encore des femmes sur le chantier, encore
une maison transportée sur un camion … l’Amérique voit grand.
Montrose, 1700 mètres mais il fait 33°
! La route commence à monter, vers des collines vertes. Moutons
et vaches, sous un ciel qui se couvre. Le camping est ici tout confort
: on loue des "cabins log" (cabanes en rondin) mais avec “cable
TV”. Paysage verdoyant, la route descend quand apparaît soudain un
lac entourée de hautes montagnes : c’est un “blue mesa” artificiel
mais néanmoins magnifique et grandiose, lac bleu entouré
de rochers et dunes quasi désertiques. Un ranch en vrai bois. La
route monte vers le Monarch Pass : trois voies bien larges, virages parfaits,
montagnes taillées par un géant à la dynamite … nous
sommes à 90km/h en “cruise control” … Au col , 3300 mètres,
un arrêt rafraîchissant : nous croisons un cycliste qui est
monté à vélo, tirant une petite remorque. Un vrai
sportif !
Descente à fond la caisse dans les sapins
… mais, surprise, nous retrouvons le cycliste en bas ! Motel à Pueblo,
Colorado.
Mercredi 16
Vers Colorado Spring’s, dans un beaux paysage
de montagne, maisons en bois et même un “swiss chalet”, rutilant
et pimpant. Florissant, un village-rue pittoresque mêlant couleurs
pastel et vrai bois. Nous visitons “Adeline Hornbeck Homestead”,
la maison d’une pionnière datant de 1870 : au bord de la route,
accès libre. Le ciel se couvre, reprenons la route vers le Wilkerson
Pass (2900 mètres d’altitude), vue magnifique sur la large plaine
(jadis recouverte d’eau). Dans la descente, le soleil revient, sur ce merveilleux
coin de Colarodo. Une maison isolée avec jeux pour les enfant et,
sur la porte “8 is enough” : traduction : “huit enfants, c’est assez” ?
Ils en sont capables !
A Hartsel, des tipis et un Cafe style Western.
Pays des ranches, mustangs noirs et broncos bruns. A Fair Play, 3000 mètres,
l’air est bon, un village de pionnier reconstitué. Vaste et doux
paysage alpestre. Après le Kenosha Pass (3000 mètres), la
route redescend en forêt sur Denver : chevaux à louer, encore
des travaux routiers qui entaillent la montagne sur des dizaines de kilomètres.
Motel à Cheyenne, capitale du Wyoming .
Jeudi 17
Nous faisons un tour dans Cheyenne, jolie petite
ville verdoyante, allées ombragées, petites maisons tranquilles.
Devant le Capitole, la statue d’Esther Hobar-Morris, la première
femme à avoir apporté l’égalité des droits
(de vote … ) pour les femmes en 1876. Une reproduction de “liberty bell”,
la coche de la liberté, donnée par la France en 1950 : “to
you, free people in a free land” … Pelouses vertes, trottoirs propres,
un golf, un musée du Vieil Ouest, un vaste parc ombragé …
Voila une ville à notre goût.
En quittant Cheyenne, soudain, c’est de nouveau
la prairie d’herbes jaunes, désertique, sans un arbre. Rien pendant
50 kilomètres, si ce n’est ce sol lunaire et quelques tâches
noires : l’ombre des nuages !
En direction de Fort Laramie. Deuxième arrêt
au bord de la Platte River, pour lire des “markers” historiques racontant
l’épopée des pionniers le long de la Platte, une avenante
rivière entourée d’arbres qui doit son nom à un Français.
Le traité de Fort Laramie signé en 1868, qui donnait les
Black Hills aux Sioux, fut vite violé par les blancs.
Nous entrons bientôt dans le Nebraska,
“The good life”, toujours longeant la North Platte. Un marker historique
nous apprend qu’ici fut signé le traité de 1851, “the great
smoke”, attirant entre 8000 et 12000 Indiens des Plaines, qui devaient
toucher des annuités en dédommagement des dégâts
causés par les pionniers sur l’oregon Trail.
Le soleil se couche, boule rouge enflammant le
ciel, tandis que je rêve, assise à une table de pierre, à
ce gigantesque rassemblement d’Indiens encore pleins d’espoir envers les
blancs.
Florence CANARELLI
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