Lundi 9 septembre
Départ de Burlington, Vermont, en chevrolet Lumina. Il bruine sur le lac Champlain (un lac de 200 kilomètres de long). Bientôt dans l’état de New York, par Albany, Amsterdam. A Uttica, dîner dans un restaurant où la clim marche à fond : portions énormes de pâtes à la viande, j’en laisse les deux tiers … Bienvenue dans l'Amérique repue !
Mardi 10
Par une température douce, nous longeons
le lac Ontario et traversons Rome, puis Vienna, des noms très vieille
Europe.
Au bord du lac Oneïda, un facteur distribue
le courrier sans descendre de sa voiture : il a un volant à droite
pour le côté droit des routes ! De vieilles voitures américaines
rouillent sur les pelouses (néanmoins tondues). Les bords du lac
sont constellés de maisonnettes en “plastique” de couleurs pâles,
jaunes vertes ou bleues, dont certaines entourées de vieux pneus,
bidons rouillés ou autres ordures - mais habitées cependant.
A Constantia, un golf verdoyant où les golfeurs à gros ventres
se déplacent en voiturette à moteur.
Une constante qu’on retrouvera pendant tout
le voyage : des églises partout, dans le moindre bled et même
isolées en pleine nature. Toutes les confessions se côtoient
et souvent se font face : méthodiste, baptiste, évangéliste,
luthérienne, épiscopale, catholique, Témoins de Jéhovah
…
Des pancartes annoncent les opposants aux impôts
: “C.O.S.T., citizen opposed to sale Taxes” !
Le sport national : tondre sa pelouse assis sur
son petit engin à moteur, la tondeuse classique semble démodée
ici.
Après la frontière avec le Canada
(Ontario), nous roulons vers Toronto, sur une autoroute chargée,
dans un paysage sans charme, sous un ciel gris (de pollution ?).
A l’approche de la tentaculaire ville de Toronto, la circulation devient
de plus en plus intense, l’air pue. Terrains vagues, barres et tours, pîlones
électriques à la place des arbres, échangeurs et voies
rapides, entrepôts et magasins … Sur des dizaines de kilomètres,
4 autoroutes à chacune 4 voies en parallèle, encore saturées
de voitures à 19 heures. Des avions décollent et attérrissent
aux 4 coins de l’horizon, des buildings de toutes formes et couleurs surgissent
de partout … bonjour la métropole moderne invivable !
Par la Route 400, on échappe enfin aux tentacules,
les premiers sapins font leur apparition. Ouf !
Mercredi 11
A la recherche d’un bon “breakfast”. Le restaurant
est au bout d’une longue route sans fin; il est loin, rustique et plutôt
sale mais le déjeuner est correct (30 francs à deux pour
un déjeuner complet, oeufs, hash browns, saucisses, toasts et confiture,
ça va). Paysage d’herbes blanches, arbres bas, sapins, bouleaux
et autres conifères nordiques.
Le paysage est de plus en plus beau, la végétation
plus basse, proche de la toundra. Et toujours ce bouclier canadien moussu
érodé par les Millénaires. Pluie en douchette pendant
qu’on écoute “Like an Hurrican” de Neil Young, un grand Canadien
!
Au bord de la Transcanadienne, quelques cheminées
d’usine au milieu de la toundra, vision surréaliste. Nombreux
trucks transportant des troncs d’arbres, planches ou rondins. Il pleut
sur la transcanadienne … Après la pluie, la route fume et la roche
luit. On ne s’en lasse pas. Bientot, nous assistons à un coucher
de soleil nordique : le soleil éclaire longtemps les nuages
par en dessous, le ciel bleu clair, lumière orangée sur la
plaine parsemée de mini-sapins, nuages roses et jaunes … L’hiver
doit être froid, c’est le Nord. Motel à Sault Sainte Marie.
Jeudi 12
Le temps est devenu gris et froid d’un seul coup.
Nous repassons la frontière américaine. C’est le Michigan
du nord (“great lakes” dit la plaque d’immatriculation).
A travers la Hiawatha National Forest, qui possède
une étonnante variété d’arbres, espèces multiples
que je ne connais pas, toutes les nuances de vert.
Ici, les chiens habitent dans des niches, petites
maisons en bois dans les prés. Pas si décadents finalement,
ces Américains !
A Marquette, déjeuner chez Big Boy, d’une
soupe réconfortante par ce froid (10° !).
Enfin, le soleil sort des nuages dans la Ottawa
National Forest. Une piste de ski-doo le long de la route, un pont chemin
de fer en rondins, époque Western. Nous entrons dans la “central
time zone”. La route monte et descend, dans la forêt, bouleaux et
touches de rouge, arbres morts gris cendre. Une voiture de la State Police,
comme surgie de nulle part, garée derrière une voiture sur
le bas-côté. Motel à Ironwood.
Vendredi 13
Temps couvert et froid de canard ce matin … c’est une région de ski. Le Wisconsin, “America’s Dairyland”, réputé pour ses produits laitiers.
Samedi 14
Beau temps, soleil, doux. Dans un "Antiques"
(brocante) situé dans une ancienne école, la propriétaire,
Cheryl Stoolman, nous invite pour le lunch lors de notre prochain passage
!
Sur ses conseils, nous visitons l'Itasca State
Park,où se trouve la source du Mississipi et un chemin d’observation
de la nature.
De nouveau sur la route 2. L’ouest du Minnesota
: hyper-clean à l’allemande, route large, bas côtés
bien tondus … Vastes plaines vertes, cultivées, grands espaces plats
à l’infini. Motel à Grand Forks. North Dakota, “discover
the spirit”.
Dimanche 15
Sur la route 2, à travers la prairie immense.
Une base de l’US Air Force, protégée par un mur et des barbelés,
on aperçoit juste quelques empennages d’avion.
Une “Sioux Manufacturing Corporation” (usine), un
village indien qui n’a rien de romantique, juste des baraques en plastique
défraichies - complètement américaines !
Les engins agricoles sont énormes, couleur
kaki. Toujours des lacs bleus vifs au milieu desquels poussent de hautes
herbes vertes et jaunes, parfois rouges. Un écureuil tigré
traverse la Highway 2, qui longe toujours la voie ferrée bordée
de ses poteaux téléphoniques minuscules. Un village de “pionniers”
à Rugby. C’est ici le centre géographique du nord de l’Amérique.
La route devient vallonnée, les herbes sont de couleurs changeantes,
parfois roses. Towner, la capitale du bétail du Nord Dakota.
Minot, la route monte, mamelons herbus puis soudain
la plaine plate. Encore des mamelons blonds, les vaches sont noires de
jais. Pause dans un site très “Danse avec les loups”. Motel à
Tioga.
Lundi 16
En route vers le parc Theodore Roosevelt, unité
nord. Par une route en terre, des puits de pétrole, des chevaux
mustangs de noble allure, des mamelons dont les creux sont remplis d’arbres
- à l’abri du vent ? -
Le Nord Dakota appartient aux “grandes plaines”
qui nourrissent l’Amérique et même le monde entier. Paysage
lunaire, de plus en plus vallonné, les arbres se concentrent dans
les creux, les bosses sont couvertes d’une herbe rase de couleur changeante,
toutes les nuances de blond, du presque blanc ou presque rouge, fermes
rouges et bleues sous ciel moutonnant, lumière nordique, vaches
noires de jais et chevaux bruns racés.
Apparition des Bad Lands : surnommées “mauvaises
terres” par les explorateurs français.
D’en haut, point de vue sur la Little Missouri River
… C’est beau à couper le souffle. D’autant que le vent est si violent
qu’il pourrait décorner un buffalo ! Nous passons trois heures dans
ce parc “marvellous” en compagnie des biches et des énormes bisons.
Il fait 31° nous apprendra le responsable de
la seule boutique du parc, un barbu sympathique qui s’excuse de ne pas
savoir le français. Nous signons le guest book, il est ravi !
Retour vers Tioga, où nous entrons dans
un “Cafe” à Keene, qui semble abandonné, porte battant au
vent, dans un bled paumé à la Wenders. Mais non, nous sommes
accueillis par un couple civilisé et communicatif qui, bien que
le Cafe soit fermé, nous fait la conversation, sortant des cartes
pour connaitre notre itinéraire. De nouveau, nous signons le guest
book, qui a vu passer des touristes du monde entier, et même quelques
rares Français ! Le Nord Dakota est un état de très
riches fermiers, nous dit la patronne (physique à la Jane Fonda)
… Même si elle et son mari ne le sont pas.
Mardi 17
De nouveau la route 2, de nouveau la plaine aux
herbes dorées, blond cendré ou vénitien, qui remuent
au vent.
Enfin le Montana : il pleut, la route devient
plus étroite, moins entretenue, le paysage change d’un coup, plus
sauvage.
Nous entrons dans la Moutain Time Zone. Toujours
des mamelons d’herbes rases mais les fermes semblent plus petites, moins
riches.
A l’office du tourisme de Culbertson, accueillis
par deux vieilles dames à l’ancienne, l’une brodant dans son coin.
Nous visitons leur petit musée, regroupant des souvenirs et autres
collections … charmant !
Poursuivons la route par une petite pluie venteuse,
dans un paysage grandiose mais où les fermes et panneaux nous semblent
plus petits, à la dimension européenne. Un plateau des Mille
vaches à la puissance cent, quand même.
Dans la Fort peck Indian reservation, une station,“Tribal
Express”, tenue par un Indien : abords peu entretenus, petites maisons
plus ou plus “destroy” aux couleurs fanées. Un avenant “Keep Out”
sur une porte. Les Indiens roulent en pick-ups ou en vieilles voitures,
portent casquettes et baskets américains. Un jeune à longue
chevelure noire de jais sort d’une vieille Buick, il est mince mais il
ne le sont pas tous.
La pluie cesse, le ciel immense reste gris foncé
à l’ouest, faisant apparaitre de nouvelles nuances de jaunes dans
les herbes.
Wolf Point, où est passée la “Lewis
and Clarck Expedition”, des pionniers payés par le Gouvernement
pour découvrir de nouveaux territoires. Des casinos en pleine campagne
…Un convoi ferroviaire nous suit, dont on ne voit plus la fin : il est
tiré par … 4 motrices !
Une trouée de ciel bleu s’agrandit tandis
que M. double un mobil-home à fond les manettes : pas de “speed
limit” dans le Montana, il en profite !
A Chinook, un ours en enseigne lumineuse nous dit Au Revoir de la patte ! La nuit tombe. A Havre, qui est tout sauf un hâvre de paix car, inimaginable, TOUS les motels sont complets ! Obligés de se rabattre sur le vieillot Hotel Park, chambre sans salle de bain et surtout, puant la clope froide … un vrai cauchemar ! Heureusement, diner réconfortant chez Black Angus d’un délicieux “sirloin steack” (aloyau). Et pas cher (25 francs par personne).
Mercredi 18
Nous quittons cet hôtel infâme à
8h30 - notre record ! - pour reprendre la route 87, vaste plaine
blonde sur laquelle se profilent en bleu pâle les contreforts des
Rocheuses. Le soleil brille, le moral aussi. A Loma, M. photographie
une Chevrolet Bel Air des années 50. Sur un parking, rencontre de
Frank, grand et costaud motard en cuir, doux comme un agneau : originaire
du Montana, il travaille sur les chantiers dans l’état de Washington.
“Welcome in America” dit-il à M. en lui serrant la main, avant de
nous faire un démarrage sur les chapeaux de roues !
A Fort Brenton, nous visitons un site historique,
l’emplacement d’un fort et un ancien pont sur l’Upper Missouri River.
De nouveau, ces merveilleuses vastes plaines blondes
ondulées du Montana, avec les Rocheuses qui se précisent
dans le lointain.
Devant nous, une vieille Cad. avec auto-collant
“get a live, be a christian” et YAVEH sur la plaque d’immatriculation.
A Ulm, nous empruntons une petite route, pour observer
la “wild life” au bord d’un lac. On ne voit rien, si ce n'est un Cow Boy
à chapeau qui nous dit “Hello !” depuis son "pick-up".
Toujours ces vaches d’un noir brillant sans tâches. “Gates of the Mountains”, c’est la porte de la Montagne, un cirque de montagnes de dimension presque angoissante … Trop grand, on se sent trop petit ? La route est un parfait tapis de velours noir qui monte, puis redescend vers une autre vallée gigantesque … au fond, Helena, capitale du Montana.
Jeudi 19
Dans Helena, le “down town” (centre-ville), se résume
à deux rues parallèles où sont regroupées magasins,
stations, motels et restaurants …
En route pour Missoula par la forêt.
Vaste cirque de montagnes arrondies, mi herbes, mi-sapins, ranches en rondins
de bois : les couleurs sont si douces qu’on dirait un décor peint.
La route serpente à travers la forêt, monte jusqu’au col,
le “Flesher Pass” à 2000 mètres. Nous faisons un tour à
pied sur un chemin forestier, apaisant.
Vers Lincoln, une “small town” de montagne, maisons
en bois et air vif (8° !!).
Les habitants du Montana nous semblent individualistes,
souvent jeunes et sportifs, un peu hors normes.
A Lincoln, la boutique de souvenirs vend
aussi l’équipement pour passer l’hiver : brrr … qu’il doit être
froid !
Dans son atelier-boutique, un sculpteur sur bois
réalise des totems sur toutes sortes de thèmes, même
le cow-boy : remarquable.
Après la forêt, revoici la plaine
immense et blanche entourée de sommets bleutés. C’est le
“Wild West”.
Les granges sont en vieux (vrai) bois brun. Amusant
; une pub “Montana beef country” avec des vaches en premier plan, ces magnifiques
vaches noires. On en mangerait …
Motel à Missoula, la ville des écrivains.
Nous passons la soirée dans une “book shop”(librairie) immense,
ouverte jusqu’à 23 heures : ils sont intellos ici, pas de doute.
Mais dans la décontraction : les vendeurs ont des cheveux longs
et la pause café est offerte.
Vendredi 20
Samedi 21
C'est le jour du retour, par un vent froid, et 8°,
à travers une vaste plaine blonde avec lacs entourés de sommets
enneigés, dont le Mont Edith à plus de 3000 mètres.
De magnifiques voitures exposées dans un champ … A Harlowton, une
locomotive électrique est exposée au carrefour, elle date
de 1911.
Chevaux racés et vaches noires, nous sommes
dans le “cow country”.
Alternance de rochers énormes et de vastes
plaines désertiques, route ondulant à l’infini, ruban noir
sur champs blonds. Comme un tableau. L’horizon devient crénelé,
monticules carrés et seins ronds à bouts pointus sous lumière
rasante (bientôt 19 heures). Les ombres des herbes s’allongent sur
la route. Le paysage est de plus en plus désertique, une voiture
toutes les demie-heures. Rien sauf quelques vaches … Soudain, est-ce un
mirage … un auto-stoppeur ! On évitera de le prendre. Après
une heure de désert, retour à la civilisation et à
l'interstate 94.
Dimanche 22
Sur l’I 94 de nouveau, dont on refait le revêtement
: des travaux à la dimension américaine, grandiose,
sur des dizaines de kilomètres … Encore des mamelons blonds entrecoupés
de barrières rocheuses de formes diverses, pattes d’éléphant
par exemple.
De nouveau dans le Nord Dakota puis cap vers le
Sud : même plaine blonde, ondulée, trouée … Rien de
monotone. Les fermes sont hyper-cleans, on sent l’influence germanique,
d’ailleurs la capitale s’appelle Bismarck.
Dans le Dakota du Sud, la route monte et
descend profond, l’herbe peu à peu devient plus verte. Le dakota
du Sud semble moins propre que le Nord : des toilettes sales pour la première
fois ! Toujours la même différence entre nord et sud.
Sur un parking, rencontre de Tom, grand barbu roux
et bien portant en treillis militaire, qui réchauffe des haricots
sur un réchaud, tranquille, debout dans le soir (et le froid) qui
tombe : M. lui adresse la parole, il se révèle doux et même
pertinent. D’origine hollandaise. En conclusion de notre conversation :
il n’y a de paradis nulle part, ni en France ni en Amérique … Sinon,
tout le monde y serait ! .
Lundi 23
Un site plus que touristique mais les dimensions
sont belles, un sentier (peu fréquenté car marcher n’est
pas le fort des Américains) nous offre de beaux points de vue sur
les sculptures de pierre. L’artiste, danois, a travaillé 17 ans
à l’oeuvre de sa vie.
De nouveau la route : une pancarte annonce “Dances
with the Wolves”, sans doute le lieu du tournage du film. C’est tout à
fait plausible. Sur la 40, à travers les Bad Lands, où on
a un avant-goût du National Park du même nom … Vaut le voyage
: rochers travaillés par l’érosion et le vent, pattes d’éléphants
ou dents pointues. On reviendra.
Dans un Cafe indien, en territoire indien (Sioux),
le fils de la maison est un gaillard immense avec une longue chevelure
noire et raide. Il était peut-être dans Danse avec les loups
?
Ici aussi, les Indiens vivent dans des baraques
vétustes et sales, posées sur des briques. Leurs voitures
sont rouillées. Sur la route infinie, marchent deux Indiens
… à pied. Où vont-ils dans ce désert ?
De nouveau, ces inoubliables mamelons herbeux,
parfois entourés d’eau. Les herbes roussissent dans le couchant,
la White River est vraiment blanche.
Dans une station service un grand motard - adulte
! - transporte sur son porte-bagage … un ours en peluche vêtu
d’un blouson de cuir : Vive l’Amérique sans complexes !
Florence CANARELLI
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