CARNET DE VOYAGE
/ Mai 2002
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DALI ET
LA COSTA BRAVA
Entre délires daliniens
et petits ports de pêche aux maisons blanchies à la chaux,
la Costa Brava étale ses trésors sous un soleil de plomb,
même au mois de mai.
A ne pas rater, même
si très (trop !) touristiques : le musée Dali de Figueras
et sa maison de Port Lliguat.
Pour éviter les
foules, suivez-nous dans la visite de Begur, bijou méconnu de la
Costa Brava.
Florence CANARELLI |
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Mardi 14
mai 2002
Après
une semaine de pluies sur Nice, inhabituelles en ce mois de mai, le temps
semble se mettre enfin de notre côté (air doux, enfin printanier)
pour le jour de notre départ.
Nous partons
par l’autoroute familier de Nice jusqu’à Montpellier (déjeuner
rapide dans un Quick) puis nous prenons la route 112 vers Sète,
Agde, Béziers. En enlevant le toit de notre Targa
(il fait 27° !), nous traversons cette belle région de landes
et de vignes (le vin des Corbières) en respirant l’odeur des genêts.
Avant de reprendre l’autoroute, presque désert à cette heure,
pour Perpignan. Un bref arrêt sur l’aire de Lapalme, vers 17H : il
fait chaud, le sol est sec, c’est l’été soudain …
Encore un
tronçon d’autoroute dans une région (les Pyrénées
orientales) qui me parait pleine de charme : collines vertes, arbustes
mettant des touches de vert et gris, fleurs roses et jaunes. Au loin se
découpe la silhouette majestueuse du Mont Canigou, tel un Fujiyama
enneigé émergeant des nuages : une belle région et
qui plus est, dynamique, semble-t-il (“la France des PME” selon M.)
Un dernier
“village catalan avant l’Espagne” et c’est la frontière, qui bien
sûr n’existe plus, si ce ne sont les bâtiments … et la boutique
de change, comme à l’abandon.
Aussitôt
après la frontière, nous “retrouvons” les travaux routiers
chers, semble-t-il, aux Espagnols qui aiment, eux, entretenir leurs routes.
Il faut dire qu’ils ont aujourd’hui un excellent réseau routier.
Nous arrivons
sans encombre à notre Hostal Androl vers 18h30, très facile
à trouver, car situé au bord de la nationale qui mène
à Figueras.
Bien inspirés,
nous passons la soirée à Roses, une charmante station balnéaire
sans prétention mais propre et bien agréable. Même
si, moins bien inspirés cette fois, nous ne trouvons, pour diner,
qu'un modeste snack qui propose … des "bratwurst" ("saucisses grillées"
en allemand !) très peu couleur locale. Mais en nous promettant
de manger plus “typique” la prochaine fois !
En bord de
mer, nous déambulons dans la douceur du soir sur la longue Promenade
pavée, d'une propreté impressionnante : pas le moindre mégot,
papier gras et encore moins m… de chiens !
Mercredi
15 mai
Notre hôtel
étant fermé ce jour, nous trouvons dans Figueras une “Cafétéria”
qui nous sert cafés et même croissants … sauf que les croissants
sont énormes : un seul suffit !
Dès
dix heures, nous faisons l'ouverture du petit (et charmant) Musée
du Jouet, dans la vieille ville (4,5 Euros par personne) : pas très
branchée “jouets”, (contrairement à M.), je trouve pourtant
la partie trains - des jouets en tôle du début de siècle
- très intéressante. Même si nous sommes moins captivés
par les poupées de porcelaine, il y en a pour tous les goûts.
Mais bien
sûr, nous sommes venus pour Dali et son "Teatre-Museu" n'est pas
difficile à trouver, il suffit de suivre la foule. Cependant, au
vu de la file d’attente (groupes scolaires de l’Europe entière),
nous renonçons, reportant à demain sa visite, impatients
d'aller découvrir Cadaquès.
De là, on voit Roses à la jumelle ! |
D'abord, prendre
la direction Roses, puis une jolie petite route sinueuse qui monte dans
les oliviers nains, entre des collines verdoyantes : une sorte de maquis
méditerranéen domestiqué. Merveilleuse impression
de nature vierge et odorante.
Nous apprenons
bientôt qu'il s'agit d'un "parc protégé", ce qui explique
l’absence totale de ces constructions disgracieuses sur la colline qui
enlaidissent Roses (encore que, pas trop : nous avons vu pire ailleurs
en Espagne, sur la Costa del Sol)
Un petit arrêt
pour admirer la vue à la jumelle … et nous reprenons cette route
idyllique qui redescend ensuite vers Cadaquès, dans les odeurs de
genêts en fleur.
Quelques minutes
trop courtes de bonheur parfait, dans l'air caressant : on aimerait s'arrêter
partout pour contempler la vue mais les places de parking manquent …
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Cadaquès
mérite
sa réputation : préservé des promoteurs, ce petit
port de pêcheurs éblouie au premier abord par la blancheur
rafraichissante de ses maisons aux volets bleus.
Forcément
touristique, mais pas encore trop envahi en mai, Cadaquès nous a
séduit.
Même
si les places de stationnement sont chères (parking payant à
l'entrée de la ville), et qu'il nous a fallu marcher beaucoup pour
trouver une place gratuite, tout au bout du port (non mais !), Cadaquès
vaut une longue visite : il faut arpenter ses rues en pente grossièrement
pavées … |
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… et ne surtout
pas rater la Maison Dali de Port Lliguat.
Pour le site,
la baie de port Lliguat, unique et inoubliable, que Dali a souvent reproduit
dans ses peintures … Et parce que c'est la maison où Dali vécut
avec Gala 40 ans durant.
A partir d'une
petite maison blanche de pêcheur, qu'il a agrandi peu à peu,
il a fait un lieu magique. Où l'on retrouve les obsessions daliniennes
(l'oeuf, Gala, la bouche de Mae West, etc) et celles de Gala (qui collectionnait
semble-t-il les chaises d'enfants de toutes tailles, faute sans doute d'avoir
pu être mère).
En savoir
plus sur Dali et Cadaquès |
Pour diner,
nous revenons à Roses, où nous décidons cette fois
de faire un effort, dont nous serons récompensés : à
la terrasse d’un petit resto, dans une rue pittoresque du vieux village,
nous dégusterons un mérou espagnol, poisson que je sais être
devenu rare et donc cher, sur nos côtes niçoises, mais ici
à prix d’amis. Avec un service souriant et, pour finir, un petit
cadeau : ici, on offre au client un mini agenda, que M. appréciera
grandement. Le geste commercial "classe" et qui fait plaisir !
De mon côté,
je serais ravie de trouver des sandales en cuir rouge à mon goût
… et bon marché, le cuir espagnol étant moins cher
qu'en France, comme nous l'apprendra le vendeur, dans un français
parfait.
Jeudi 16
mai
Ce matin, notre
Hostal Androl étant ouvert, nous avons droit au petit déjeuner
maison. Dans la salle à manger de style espagnol, nous est servi
un petit déjeuner typîquement suisse (avec nappe en tissu,
assiette de charcuterie et de fromages, jus d'orange), notre hôte
étant un Suisse allemand installé en Espagne.
Réconfortés
par ce vrai petit déjeuner à notre goût, nous partons
dans l’idée de visiter le Musée Dali dès l’ouverture
(10H30) afin d'éviter la cohue : erreur fatale, il y a encore plus
de monde qu’hier …
Nous apprendrons
par la suite que le "Teatre Museu" est victime de son succès : deuxième
musée d'Espagne après le Prado, il ne désemplit jamais
… ja-mais !
Dans la file
d’attente, une Française derrière nous, trépigne d’impatience,
après avoir essayé de resquiller : “obligée de faire
la queue, c’est l’armée …!”
A quoi je
ne peux m’empêcher de rétorquer : “non, c’est juste le respect
de l’autre !”
Ce typique
manque de respect des Français m’insupporte de plus en plus, surtout
à l’étranger : alors, au lieu d'avoir "honte", j'ai décidé
de m'exprimer !
Enfin à
l’intérieur, la foule de touristes en groupes serrés (en
"troupeau" serait le mot plus juste), dans cet ancien théâtre
aux couloirs étroits, me semble vite carrément oppressante.
Même
si nous avons eu la bonne idée de monter d’abord au dernier étage
où la foule est encore clairsemée (enfin, si l’on veut),
je ne peux m'empêcher de me demander ce que viennent donc faire ici,
tous ces gens qui se bousculent sans rien regarder …
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Quant au "délire
dalinien", je ne sais si c’est à cause de la foule mais j’ai eu
un peu de mal à l’apprécier …
Installé
dans un ancien théâtre de la ville natale de Dali, ce "Museu"
se veut "le plus grand objet surréaliste du monde", selon la phraséologie
dalinienne : comme il se qualifie lui-même de peintre "théâtral",
il fut sans doute ravi d'y installer une partie de ses oeuvres, depuis
ses premières expériences impressionnistes ou cubistes jusqu'aux
dernières, quasiment délirantes (de mon point de vue).
Mais il faut
noter qu'on y trouve peu d'oeuvres vraiment importantes ou grandioses,
si ce n’est peut-être par exemple son célèbre "auto-portrait"
(mais qui est de format très réduit). Et pas mal d'oeuvres
non signées par lui, ce qui n'est pas forcément indiqué
(oeuvres d'Antoni Pitxot ou du Greco, de Duchamp …)
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En réalité,
on dirait que Dali s'est plutôt amusé avec des "installations"
plus ou moins délirantes, comme la “Cadillac pluvieuse” :
une vraie Cadillac dans laquelle un mannequin de cire, qui ressemblerait
à un Rolling Stome shooté, se serait laissé enfermé
à jamais, et envahir par les herbes folles et les escargeots … Drôle,
sans doute mais où est le sens ?
Je croyais
aimer Dali, pour sa technique hors pair et son univers … mais ces installations
délirantes, où l’on retrouve toutes ses obsessions (Gala
à toutes les sauces, les lèvres de Mae West …) m'a plutôt
interpellé sur sa folie : même s'il est vrai de dire qu'à
chacun sa folie et que le génie, surtout, la côtoie, peut-être
que je n'ai pas eu envie de rentrer dans celle de Dali, qui m'a paru un
brin … fatiguante.
Ou alors,
est-ce à cause de la foule (trop, c'est trop !) ?
Certes, Dali,
toujours là où on ne l'attend pas, aurait dit : "la seule
différence entre un fou et moi c'est que je ne suis pas … fou !"
En savoir plus
sur le Théâtre-Musée |
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Enfin sortis,
quasiment soulagés, deux heures plus tard, nous apprécions
d'autant plus de reprendre la route, cheveux au vent dans notre belle Targa
rouge …
Direction Girona,
au sud, à travers une campagne verte parsemée de coquelicots,
par une température estivale.
La route est
belle, rectiligne, joli paysage printanier, bien vert, le jaune des genêts
répondant au rouge des coquelicots.
Bientôt
garés vers 14h sur un vaste parking gratuit, Girona est à
nous …
Des façades
colorées se reflétant dans l'eau d'un fleuve, la première
impression de Girona très positive. |
Contrairement
à Figueras, qui n'a d'autre intérêt que d'être
la ville natale de Dali, Girona possède une vieille ville
médiévale très pittoresque et harmonieuse.
Girona, ses
façades médiévales, sa cathédrale gothique,
"érigée entre les XIVe et XVIIe siècles, qui a la
particularité de posséder une unique nef gothique immense
(23 mètres) qui fut un défi quasi inimaginable pour
les bâtisseurs de l'époque”.
Mais aussi
son église romane, ses rues en pente, ses cours intérieures
ombragées, sa vieille université de Sant Domènec sur
la colline, cernée d’une muraille que nous escaladons (à
l’aide d’un escalier …)
Par chance,
nous sommes tombés le bon mois, (mai) "pendant lequel la vieille
ville se remplit de senteurs et de couleurs à l'occasion de la traditionnelle
exposition de fleurs". En effet, à travers la ville, on peut admirer
(?) des installations "artistiques" sur le thème de la fleur …
Il fait 27°
à la mi-mai, d'une chaleur sèche, encore supportable … mais
combien en juillet ??
En suivant
au hasard les ruelles ombragées, nous redescendons sur la “Rambla
de la Llibertat” , large avenue piétonne récemment aménagée
avec Promenade et terrasses de cafés : pour déjeuner, cette
fois peu inspirés, nous optons pour une saucisse (une idée,
pas fameuse, de M. !) que, en plus, nous attendrons trop longtemps. A fuir,
vraiment, ces endroits trop touristiques ! |
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Pour le retour,
nous partons à l’inspiration jusqu’au village de Begur.
Une riche
idée cette fois : bien que non répertorié dans mes
guides, c’est un merveilleux village perché sur un éperon
rocheux, couronné d’un “Castell”, avec des ruelles pittoresques,
bien proprettes que nous arpentons dans tous les sens.
Un endroit
préservé, peu touristique - connu seulement de quelques Allemands
de Hambourg ou de Cologne y ont acheté des maisons de village, les
veinards…
La vue est
belle et sereine, avec des échappées sur la mer bleu cobalt
: un petit paradis ! |
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Retour (20h)
par une petite route rectiligne pour Roses très roulante, fleurant
bon l’herbe coupée, qui traverse de petits villages agricoles, à
moitié abandonnés (?) malgré quelques tracteurs (prudents)
et des champs cultivés fleurant l’engrais naturel …
Le soleil
se couche sur l’horizon, sur la vaste plaine où se profilent au
loin les montagnes Pyrénées bleutées.
Dîner,
à Figueras, après avoir cherché en vain un restau
correct encore ouvert, dans cette petite ville sans charme qui ne vit qu’avec
le Musée Dali : quand celui-ci ferme, la ville s’endort.
Enfin, nous
sommes sauvés de la diète par notre Cafétéria,
seule encore ouverte, où contre toute attente, nous nous régalons
d’un sandwich … au jambon Serrano : mmm !
Vendredi
17 mai
Après
un deuxième déjeuner suisse (avec jambon de serrano pour
la touche locale), nous prenons la route du retour. Auparavant, nous faisons
quelques courses rapides chez … Intermarché (désolé
pour la couleur locale !), où nous achetons un pack de San Miguel,
cette bière espagnole pleine de saveur, deux litres d’huile d’olive
(dont un d’olives vertes et l’autre noires !) … et une balayette à
WC au design impeccable (style Philippe Starck mais à prix modique),
qui s’avèrera très solide et pratique.
En route pour
la Costa Brava, direction la France : itinéraire qui nous permet
de repasser par Cadaquès, ce paradis préservé
des promoteurs, (que je n’ai pu photographier, la pile de mon appareil
m'ayant lâché au mauvais moment)
Ravis de reprendre
une deuxième fois cette petite route escarpée, parfumée,
qui mène à Cadaquès dans les genêts en fleurs,
figuiers, oliviers et pins …
Après
trois photos volées (prises de voiture faute de temps) de Cadaquès,
nous remontons jusqu’à la bifurcation pour Llanca, par une même
route paradisiaque … |
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… qui redescend
vers la mer jusqu’à
El Port de la Selva, petit port de pêche
aux maisons blanchies à la chaux, comme Cadaquès, bien que
moins connu.
Un site idyllique,
avec des abords, routes ou parkings, bien propres, fleuris, conçus
dans un esprit de géométrie que j’associe à l’Espagne.
Rien à
voir avec nos bords de mer français plus "dépareillés"
dirons-nous pour être indulgent !
C’est sur une
route sinueuse mais parfaitement entretenue que nous longeons cette Costa
Brava si chic … et si belle, car non (encore ?) massacrée par l’urbanisme
touristique.
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Arrêt
avant Port Bou, le village frontalier, sur un cap rocheux sauvage,
survolé par de majestueux goélands étrangement silencieux
: roche noire et mer bleue-verte, le site est impressionnant
Côté
français, changement de décor : la route devient approximative,
revêtement plus ou moins dégradé, virages relevés
dans le mauvais sens (une de nos spécialités, avec les plaques
d'égout au milieu de la chaussée) tandis qu’apparaissent
nos chers vignobles à pinard !
Si d’aucun
viennent du monde entier pour goûter à nos célèbres
“crus” (ici, le vin des Corbières), personnellement, les stands
de “dégustations de vins” me laissent de marbre.
Néanmoins,
la région de Perpignan ne me déplaît pas, dominée
par les cimes bleutées des Pyrénées
même
si le bled d’Argelès, où nous faisons étape pour manger
(une crêpe sans intérêt), est très laid et sans
charme, du moins à mes yeux.
Avant de rejoindre
l’autoroute, pris dans un bouchon aux environs de Perpignan : quand un
bon français, de la race des resquilleurs, tente de forcer le passage
devant nous pour gagner … quoi, une place ? |
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Celui-là,
il m’aura entendu le traiter de “pauvre type qui devrait avoir honte”,
vu le démarrage de fou qu'il nous a fait pour aller embêter
un autre automobiliste … Marre de se laisser marcher sur les pieds par
l’indiscipline nationale !!!
Ensuite, autoroute
jusqu’à Agde, puis petite ballade, pieds nus sur la plage de Sète,
dans le vent iodé : Sète nous plaît, un authentique
port de vrais pêcheurs.
Florence CANARELLI